En juin 2017, la tour Grenfell, située dans le quartier
huppé de Kensington et Chelsea, à Londres, abritait 350 personnes dans 127
logements sociaux de deux et trois pièces. Le nombre d’habitants, avait
légèrement augmenté depuis la fin des travaux de rénovation, en 2016, où de
nouvelles fenêtres avaient été installées dans tous les logements et le
bâtiment isolé par l’extérieur avec des panneaux d’aluminium imperméables à la
pluie. L’incendie s’est déclaré à 0 h 15, mercredi 14 juin, dans
l’appartement d’un chauffeur de taxi d’origine éthiopienne, au quatrième étage.
À 1 h 20 du matin, l’incendie s’était étendu en diagonale vers le
haut du bâtiment avant de gagner la façade nord, passant du quatrième au
quatorzième étage en quinze minutes environ.
Les barrières coupe-feu qui devaient combler les espaces
entre les panneaux en cas d’incendie étaient trop petites ou mal posées, ce qui
a permis à ces espaces d’agir comme une cheminée et d’aspirer les flammes vers
le haut. Il fallait de grandes échelles, mais elles sont rares dans le centre
de Londres et la première n’est arrivée qu’une demi-heure après le premier
appel téléphonique aux services d’urgence. Ces immeubles étant censés être
construits de façon à ce qu’un incendie ne puisse pas s’y propager, la plupart
des pompiers (ils étaient environ 200 à 2 heures du matin) ont mis les
gens dans des appartements “sûrs” qui en fait ne l’étaient pas du tout, ou leur
ont fait remonter les escaliers, comme le montrent les textos et les appels
envoyés par des habitants de la tour à des personnes à l’extérieur. Le
centre de traitement des urgences de Stratford, où seulement onze agents
étaient présents, a été submergé d’appels : plus de huit cents ont été
donnés depuis l’intérieur ou les abords de la tour cette nuit-là. Certains ont
été déviés vers les centres du Kent, dans le Sud-Est, et même de Newcastle,
dans le nord du pays. 72 personnes dont 18 enfants sont morts.
Ces vingt dernières années, avec l’aide de ses lobbys et
encouragé par la « folie dérégulatrice » du gouvernement Blair
et par la « marchandisation de la sécurité » qui l’a accompagnée, le
secteur du bâtiment a pris l’habitude de faire fi des réglementations, de truquer
les tests et de considérer ces pratiques comme normales. Les indices de cette
tragédie se cachaient sous plusieurs tonnes de cendres : les produits
utilisés par les sous-traitants, les bardages, tout l’équipement de sécurité –
les fenêtres de piètre qualité, les portes qui ne fermaient pas, les espaces
mal conçus entre le bardage et l’isolant, lui-même inflammable. Il est de
notoriété publique que les matériaux d’isolation font l’objet d’un marketing
trompeur, et que les constructeurs associent des matériaux sans les avoir
testés ensemble : or ces problèmes sont à l’origine de l’incendie de la
tour Grenfell. La responsabilité du conseil d’arrondissement conservateur, pour
infractions aux règles de sécurité a été immédiatement relevée. Pourtant
il y a d’autres responsables, les fabricants et ceux qui leur permettent de
travailler avec des normes incendie inacceptables, sont bien
les coupables. Il s’agit bien d’une histoire de dérégulation et de
négligence industrielle, permise par les actes de plusieurs gouvernements,
travaillistes, conservateurs et autres, en particulier la privatisation de
tous les services publics.
« L’austérité tue », pouvait-on lire sur une
pancarte brandie pendant la manifestation du 21 juin 2017, quelques jours
après l’incendie, à Londres.