« Ce n’est pas la fatalité qui fait s’écrouler les
ponts », dit l’architecte génois Renzo Piano, « Il s’agit encore moins
d’incriminer les intempéries. Projeté en 1963, inauguré en 1967, le pont
Morandi de Gênes est depuis toujours objet de questions et de controverses
quant aux conditions de sa réalisation. »
Peu à peu des indices accablants sont apparus : ce pont
était vieux et mal entretenu à tel point que sa démolition avait été envisagée
en 2009. Si des réparations avaient été effectuées en 2016, elles ne
répondaient pas à ce qui était attendu pour sécuriser le viaduc.
L'accident, tôt ou tard, était devenu inéluctable.
Interviewé par les médias italiens, le procureur de la République a aussi
affirmé que le drame n'était pas une fatalité et qu'une erreur humaine pouvait
l'expliquer. De plus, le trafic avait plus que triplé ces trente-cinq dernières
années. Etait-il prévu pour de telles charges ? Mais ce sont surtout les interventions
de maintenance qui ont manqué tout au long de ces décennies. Il y a des lustres
que tous savaient, dénonçaient l’état structurel inquiétant, alarmant. On n’a fait
que mettre des cautères sur une jambe de bois, passant outre les innombrables
avertissements d’experts, ingénieurs, chercheurs, élus, associations de
riverains.
Les informations laissent ainsi apparaître une incurie :
celle des responsables de l'entretien de ce pont construit en plein milieu de
la ville et emprunté tous les ans pas des dizaines de millions de véhicules
soit la société Autostrade et sa maison
mère Atlantia, propriété du groupe Benetton.
D'autres ponts en
Italie seraient ainsi dans le même état, notamment en Sicile et en Calabre où
sévit une corruption considérable, notamment à travers le secteur des travaux
publics.
Il faudra bien aller au-delà pour trouver les vrais
responsables. Le drame de Gênes est révélateur d'un abandon progressif des
services publics en Europe. « La farce
des funérailles d’Etat, alors que c’est l’Etat le responsable de nos
malheurs » a été dénoncée par le père d’une victime.
Est-ce seulement une catastrophe italienne ? Non, tous les
gouvernements privatisent et démantèlent les services publics.
Les ponts s’effondrent… mais pas les profits.