dimanche 21 janvier 2018

Au revoir là-haut.



Le jeudi 14 août 2014, sous le titre : La mission du centenaire de la Première Guerre mondiale ou les leçons du passé. , je parlais du remarquable livre de Pierre Lemaitre  « Au revoir là-haut », couronné par le prix Goncourt 2013.
Le titre reprend les derniers mots de la dernière lettre du soldat Jean Blanchard, fusillé pour l'exemple avec cinq de ses camarades, le 4 décembre 1914 à Vingré. L'auteur, connu pour ses romans policiers, écrit ici une histoire de la fin de la guerre où les personnages sont exemplaires de la réalité de ce carnage, dans un style qui sait aménager surprises et rebondissements, et dont je recommande vivement la lecture. Dans une interview au Courrier Picard, il déclare : « je crois que mon travail a été dirigé, piloté par une pensée qui est celle d'Anatole France, qui disait : ''On croit mourir pour la patrie, mais on meurt pour les industriels.''…Il n'y a aucun doute que de toutes les guerres - et celle de 14 peut-être plus que les autres - le capitalisme s'en nourrit. L'industrie adore la guerre avant, pendant, après. Et j'ai pensé que si on regardait l'après-guerre, l'axe était encore plus amer plus décapant. »
Dans l'épilogue, l'auteur rappelle que les malversations relatives aux sépultures n'ont pas été inventées : il y a bien eu un scandale qui a éclaté en 1922 et qui a mis en cause les « mercantis de la mort ». Quant à l'arnaque aux monuments aux morts, elle est le fruit de son imagination et comme il l'écrit : « Ainsi, l'un des faits est réel, l'autre non, mais ç'aurait pu être l'inverse. » !
Nous entrons ainsi dans le vif du sujet. La réalité dépasse souvent la fiction. L’ambition, le cynisme : un lieutenant, qui veut devenir capitaine, comprend qu'il n'a plus beaucoup de temps pour obtenir du galon, il se crée une « occasion ». Un général aimerait bien fusiller pour l'exemple un de nos deux soldats, accusé à tort de désertion. L’horreur : les hôpitaux militaires surchargés, dans l'incapacité de faire face à l'afflux des blessés. Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d'avantages, même après…
Après l’armistice, on trouve ces soldats bien gênants avec leurs mutilations et leurs gueules cassées; on voudrait les oublier, mais cela peut rapporter. Tous les sentiments sont présents dans ce magnifique livre.


La force de ce livre, très détaillé, me paraissait quasiment impossible à adapter au cinéma dans son ensemble. Et bien c’est une performance exceptionnelle qu’a réussi Albert Dupontel. Avec un montage rythmé, et beaucoup d’imagination, le film parait court. Et Dupontel réussit à être fidèle à l’esprit, et souvent à la lettre, du livre de Pierre Lemaître, tout en l’incorporant à son propre univers. Il n’y a qu’une scène de combat, mais c’est l’une des plus impressionnantes jamais vues sur les tranchées. La richesse et la beauté des décors et des costumes ne figent jamais le film. Les acteurs jouent leur rôle superbement.
Je vous conseille aussi le film.