mercredi 17 janvier 2018

C’est dans l’UE et … pas ailleurs.



C’est le 16 octobre dans l’après-midi que la journaliste Daphne Caruana Galizia a été tuée dans l’explosion d’une voiture piégée à Bidnija, à Malte. Âgée de 53 ans, elle avait notamment mené l’enquête sur des affaires de corruption dans l’archipel, dans le cadre des Panama Papers. « Ses écrits étaient une épine dans le pied de l’establishment ainsi que de la pègre qui ont une emprise sur Malte, le plus petit État membre de l’UE », rappelle The Guardian.
« L’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia est l’apogée de toute une série de dysfonctionnements dont souffre l’archipel », fustige un journaliste de La Valette, « pour Malte, l’assassinat de Daphne est l’équivalent du 11 Septembre : il a tout changé. Jamais nous n’aurions pu croire que Malte le pittoresque soit un jour le théâtre de ce qui se produit d’ordinaire dans des pays tels que la Russie. Un récit encore accentué par la nature même de son assassinat. Elle aurait pu être tuée de façon moins spectaculaire, par balle. Le recours à une voiture piégée confère à l’acte les atours d’une tragédie politique, sous le signe du triomphalisme et de l’intransigeance. Un moyen d’annoncer sans détours que quiconque voudra fouiner comme l’a fait Daphne finira pulvérisé. Considérés sous cet angle, les attentats à la voiture piégée ont toujours eu un sens politique énorme ».
L’éditorial du Guardian évoque « l’atmosphère d’impunité et de violence qui pèse sur l’archipel méditerranéen », ajoutant que Malte « se transforme en un État gouverné par le crime organisé, au point de ressembler à ce dernier ». Dans un article du même journal, Malte est décrit comme un « État mafieux ». Quant au Daily Mail, il décrit l’île comme un « État gangster ».
Les médias internationaux dénoncent sans merci l’économie « douteuse » du pays : un secteur du jeu en ligne qui serait infiltré par la mafia, la vente éhontée de passeports qui permet à de sulfureux oligarques de vivre dans l’UE, un système qui favorise l’évasion fiscale. Presque tous les articles et reportages rappellent le rôle essentiel joué par Daphne dans l’enquête sur les Panama Papers à Malte, et soulignent, de manière significative, que les principaux intéressés sont toujours au pouvoir.
Depuis l’assassinat, personne n’a démissionné, et on ne sait même pas ce qu’il va advenir de l’enquête. Une conférence de presse orchestrée par la police a frisé à la farce. Il est scandaleux d’apprendre que les conclusions de l’enquête ne seront peut-être jamais rendues publiques (sauf si quelqu’un finit par être inculpé). Aucune nouvelle initiative n’a été prise afin de lutter contre les abus de pouvoir et la corruption endémique. Aucune nouvelle mesure n’a été annoncée quant à l’assainissement des institutions de l’État de droit (en particulier les tribunaux et la police), afin de les débarrasser de ce qui les ronge en profondeur. Rien non plus sur une éventuelle révision du programme de vente de passeports.
Oui, à croire, vraiment, que le gouvernement n’a pas saisi l’importance politique de l’événement. Comme s’il était paralysé. Ce qui est inquiétant car, dans un État qui manque à ce devoir essentiel qui consiste à assurer la justice sous toutes ses formes (y compris en respectant la dignité et l’égalité), les gangsters finissent par se dire qu’ils peuvent commettre un meurtre en toute impunité.
En France les médias ont été plus discrets sur cet assassinat. Tiens !... Il est vrai que, parait-il, la Commission Européenne lutte contre les paradis fiscaux. La liste noire des paradis fiscaux frise le ridicule.
Je lutte docteur, je lutte…