Dans la dernière parution, dans un article « Si on
parlait rugby… », je critiquais le
jeu de percussion, générateur aujourd’hui de nombreuses commotions cérébrales, en
citant aussi d’autres rugbymans connus. Le K.-O. impressionnant du jeune Samuel
Ezeala lors du match Racing 92-Clermont le 7 janvier, a relancé le débat sur la
violence des chocs dans le rugby.
Le rugby est-il devenu trop violent ?
Oui, si l'on s'en tient aux chiffres : 102 commotions
cérébrales avérées lors de la saison 2016-2017 de Top 14, soit une augmentation
de près de 35% par rapport à l'exercice précédent.
Le point de vue du
neurochirurgien.
Le neurochirurgien Jean Chazal, professeur au CHU de
Clermont-Ferrand, qui est intervenu sur cet acte de violence (c’est comme cela
que ça s’appelle que ce soit accidentel ou … « normal ») s'inquiète
fortement de l'évolution du rugby en France. Aux questions d’un
journaliste :
« Comment se porte Samuel
Ezeala ? », il répond : « Le joueur
va bien. Il a été secoué mais son IRM est normale. Il a subi une commotion
cérébrale avec perte de connaissance, c’est-à-dire un coma. Son cas a été préoccupant. Face à lui, le joueur du Racing
était lancé à 35 km/h, les coudes en avant. Il a à peine tenté d’éviter Samuel
Ezeala, sans même faire un raffut. Imaginez que vous êtes en mobylette et que
vous foncez dans un mur sans casque… Y avait-il jeu dangereux ? Le débat est
ouvert. »
« Certaines
personnes ont critiqué la dramatisation de l’événement avec l’installation d’un
drap blanc sur le terrain pour masquer l’intervention des médecins. Quel est
votre avis ? » : « Ce drap a été mis car
l’intervention était suffisamment préoccupante. Le maillot de Samuel Ezeala a
été découpé au ciseau, on lui a placé un électrocardiogramme et des perfusions
et le matériel d’intubation était sorti. Il fallait respecter le joueur. Cela
fait partie du code d’éthique des médecins de ne pas soigner une personne au
regard de tous. Le président du Racing Jacky Lorenzetti a trouvé cela exagéré
mais pas moi. »
« Qu’est
ce qui ne va pas dans le rugby selon vous ? » : « Quand
on voit le match de dimanche entre le Racing et Clermont sur le gazon très dur
de la U Arena, dont le toit était fermé et où la température à l’intérieur
était de 26°C, on peut dire que le rugby n’est plus un sport de plein air. Nous étions dans une arène pour une sorte
de cirque d’hiver où des gladiateurs s’affrontaient. Quand on voit aussi
dans cette enceinte un mur d’écran avec les statistiques des performances des
joueurs en temps réel, ça confine au ridicule. »
« Le
profil des joueurs a également changé. » : « Oui.
Il y a quelques années, un trois-quart aile pesait 10 kg de moins. Aujourd’hui,
il court plus vite dans un sport qui n’est plus un sport d’évitement. On joue pour détruire. Les ligaments,
les articulations, la boîte crânienne, les os, eux, n'ont pas changé… Quand je
vois en Top 14 un joueur de près de 140 kg face à un n°10 de 80 kg je me dis
que ce n’est pas possible. »
« Que
faut-il changer ? » : « Il faut tout revoir.
Avoir des arbitres professionnels qui respectent tous les mêmes règles à l’abri
des pressions pourrait déjà être une bonne mesure. Il faut bien évidemment
faire de la prévention dans les écoles de rugby ; pourquoi pas aussi créer des
catégories de poids comme au judo ou limiter le poids des joueurs ; limiter
également le nombre de remplacements,… »
Tiens !... Je parlais justement dans l’article suivant
de la formation des All Blacks qui ont des catégories de poids comme au judo.
Le point de vue du Président de la Fédération.
Pendant ce temps notre Président de la Fédération signait un
contrat avec un sponsor pour le maillot de l'équipe de France : l'argent
d'abord ! Par ce contrat la FFR a entériné l'attribution du partenariat
maillot de l'équipe de France au groupe Altrad malgré l’avis défavorable
donné par le comité fédéral d'éthique. C’est une habitude de ce Président qui
joue déjà avec « le droit à l’erreur » (voir autre article). Des
relations douteuses. Des pratiques, dirais-je, limites. Un sélectionneur, Guy
Novès, qui apprend sa future éviction par la presse. Puis qui se retrouve
menacé de licenciement pour «faute grave», mais n'est convoqué à aucun
entretien préalable. Application peut-être du nouveau Code du Travail. Des
entraîneurs adjoints, Yannick Bru et Jeff Dubois, placés dans la même
situation, eux sans avoir reçu le moindre coup de fil d'explication avant
l'officialisation de leur remplacement. Et après avoir exposé le nouveau
sponsoring à la presse, à la fin, une déclaration pour le moins
« maladroite », sur le coma d’Ezeala : « Les images sont bien entendu choquantes et cet incident est
malheureux… ».
Il
n’y a pas que les images qui sont choquantes. Mais c’est devenu une habitude…