Le modèle tournoi sur un match ne récompense pas toujours
l’équipe au plus beau jeu loin s’en faut. Pourtant dans une société où les
vertus éducatives seraient reines, ce serait un progrès énorme. Cette année
toutefois l’avance des Blacks, que l’on donne pour morts après chaque coupe du
monde, à cause du pillage des « champions » par les financiers
européens, a été récompensé d’un titre sans conteste qui devrait servir
d’exemple au monde, s’il était dirigé par des gens « intelligents ».
Revenons à l’ouverture de cette coupe et relevons des
déclarations françaises :
« Avec trois mois de préparation, on va enfin pouvoir
rivaliser avec les meilleurs »
« Les Bleus sont la bête noire des Blacks en Coupe du
monde »
« Le top 14 est le meilleur championnat du monde »
Saint-André : « Je suis convaincu que la France peut
remporter le titre »
Un malin : « Les Français sont tellement
imprévisibles, il faut s’attendre à tout »
Après la déculottée contre ces blacks que nous allions
déballoner :
Saint-André: « On n'est pas plus cons que les autres »
« Je laisse les intellectuels analyser »"
Laporte : « On s’est vus trop beaux » (Ca arrive trop souvent)
Pascal Papé : « Je m’en veux surtout à moi de
finir ma carrière en bleu sur 60 points, ça me fait chier. Moi, j’ai simplement
envie d’envoyer une alerte, les joueurs ne sont pas assez écoutés, ça fait un
moment qu’on se bat, qu’on dit qu’on a beaucoup trop de matches. Le rugby, il
évolue dans tous les autres pays, on voit les que toutes les équipes nationales
évoluent, sauf nous. Donc il faut se poser les questions. C’est sûr qu’on a un
championnat attractif avec beaucoup de beaux joueurs, beaucoup de stars, sauf
qu’aujourd’hui on est quand même enfermés dans un certain système. L’Angleterre,
la Ligue Celte, c’est pas pareil, il y a plus de jeu. Nous, on est toujours
dans les guerres de tranchée, et c’est compliqué. Je tenais à la dire car ça me
fait chier depuis cinq ans. »
Jean-Claude Skréla (ancien DTN): Disons qu'il faudra que la
DTN soit encore plus performante dans la détection des potentiels. Après, dans
l'accompagnement jusqu'à 20 ans, on est pas mal. Je pense qu'il faudrait aussi
faire un travail spécifique dans les écoles de rugby, autour du développement
de la prise d'initiatives. C'est un changement auquel je ne suis pas parvenu
moi. Aujourd'hui, le rugby est beaucoup plus entraîné qu'enseigné, c'est à dire qu'on répète des combinaisons,
des actions de jeu et on ne laisse pas le joueur choisir d'avancer, de
soutenir, etc. C'est toujours sous la responsabilité de l'entraîneur, sans
autonomie. C'est à 17-18 ans que cette capacité à voir et agir en même temps se
développe. Et si l'on ne joue pas à ce moment-là au plus haut niveau, c'est
ensuite trop tard ».
Le président de la FFR a également déploré que le Top 14 ou
la Pro D2 n'accordent pas plus d'espace aux jeunes espoirs, cantonnés aux
postes de réservistes. « Depuis 6 ans, on essaye de tout réformer, les
tranches d'âge, les formations », a-t-il relevé. « Mais les gamins ne
jouent pas (en Top 14 ou Pro D2, ndlr)! Ils ne jouent jamais. Or, la meilleure
des formations, c'est le jeu ».
Ah tiens !... Je croyais qu’il y avait des règles,
notamment JIFF, mais je constate que les clubs « riches » ne les
appliquent pas. Pourquoi ?
Regardons le champion :
Si la Nouvelle-Zélande n'a pas connu d'apartheid comme
l'Afrique du Sud, l'une des raisons qui explique l'engouement pour le rugby est
justement liée dans l'histoire du pays à son aspect rassembleur, dans une
société multi-ethnique où les Maoris représentent 15% de la population. Depuis
la première Coupe du monde de rugby, ce sport est ainsi « le lieu
d’expression de la fierté maorie, particulièrement par la revitalisation du
haka comme symbole fondamental des Blacks », relève un journal néo
zélandais.
« Que vous soyez Fidjien, Maori, Samoan, Tongien ou
Européen, nous sommes tous de Nouvelle-Zélande et la terre sur laquelle nous
nous dressons est la nôtre », soulignait le capitaine des All Blacks Mac
Caw. « Si la plus grande partie de l’aura qui entoure les All Blacks
provient de réminiscences nostalgiques et de l’imagination d’un passé
victorieux, la combinaison d’un usage astucieux de cette imagerie et des
souvenirs a permis de présenter les joueurs à une nouvelle génération et à une
audience plus large comme les représentants de l’identité néo-zélandaise,
insiste John Nauright, qui parle de mélange particulièrement habile qui [...]
voit la culture ethnique primitive s’allier à la mystique du maillot ».
Cette place à part explique la popularité sans faille du
rugby dans le pays. Rien que pour le rugby à XV on compte pas moins de 600
clubs et, selon les données de 2013, plus de 160.000 licenciés. Un chiffre à
mettre en perspective avec celui de 454.000 licenciés en France.
Proportionnellement, c'est comme si plus de 2,6 millions de
personnes pratiquaient le rugby en club dans l'Hexagone, ce qui en ferait le
sport le plus populaire devant le football. Chaque week-end se jouent 3500
matchs rien qu'en Nouvelle-Zélande, sans compter que le rugby est aussi
pratiqué dans les collèges et lycées.
La Nouvelle-Zélande
se distingue par sa formation ainsi que le « sérieux bagage technique »
exigé pour devenir rugbyman dans ce pays, et ce dès le plus jeune âge. Au
programme, un gros travail sur les « skills », à savoir les
fondamentaux tels que les passes, le jeu au pied ou les contacts, ces gestes
techniques individuels à maîtriser absolument pour pouvoir ensuite jouer en
équipe.
Autre particularité, des
catégories de poids à l'intérieur des catégories d'âge. Un système « unique
au monde » mis en place pour ne pas dissuader les jeunes joueurs d'origine
européenne face à leurs homologues polynésiens, dont la maturité physique
arrive plus tôt. « Cela explique également pourquoi les Néo-Zélandais ont
toujours été obligés de travailler leur technique individuelle et les
un-contre-un pour espérer faire la différence » résume Ian Borthwick,
grand reporter à L'Equipe.
Résultat, la Nouvelle-Zélande présente l'un des jeux les
plus techniques et complets et est à l'origine de certaines évolutions du rugby
moderne (comme celle du poste de 2e ligne) et dispose d'un vivier lui
permettant d'aligner les meilleurs joueurs du monde génération après
génération. Les Colin Meads, John Kirwan et Jonah Lomu ont fait place aux Richie
McCaw, Kieran Read et Dan Carter d'aujourd'hui, qui eux-mêmes vont laisser
place aux Nehe Milner-Skudder, Brodie Retallick et Julian Savea. La relève est
assurée et la fédération (NZRU) y tient.
Accusée de « piller » les îles Samoa ou Fidji, la
Nouvelle-Zélande dispose de plus de moyens pour dissuader ses propres jeunes de
partir. De plus, les joueurs doivent être sous contrat avec la Fédération (donc
jouer au pays) pour être internationaux, ce qui permet à la Nouvelle-Zélande
d'avoir des clubs très compétitifs avec une forte émulation. La plupart de ceux
qui rejoignent l'Europe, comme Carter et Nonu après le Mondial, cherchent
surtout une retraite dorée.
Imanol Harinordoqui remarque « Moi, je ne considère pas
que le problème soit physique. C’est surtout un décalage de technique et cela
commence très jeune, dès la formation. Les Blacks ne courent pas plus vite, ne
sont pas plus puissants : c’est d’abord dans les attitudes et techniquement
qu’ils font la différence. »
Tout est là. En attendant les blacks nous enchanterons au
long de l’année, car le rugby néo zélandais est bâti sur de bonnes bases.
A bientôt.