vendredi 4 septembre 2015

Nuances du vocabulaire … toujours.



Sous le même titre, dans ce blog, le 31 juillet vous avez lu :
Les Blancs sont des expats (expatriés), les autres sont des immigrés ! La manière de définir les personnes qui quittent leur pays pour trouver du travail en dit long sur les préjugés, constate un blogueur africain.

Le dictionnaire Larousse nous définit ainsi le préjugé : Jugement sur quelqu'un, quelque chose, formé à l'avance selon certains critères personnels et qui oriente en bien ou en mal les dispositions d'esprit à l'égard de cette personne, de cette chose. Opinion adoptée sans examen, souvent imposée par le milieu, l'éducation : exemple, avoir les préjugés de sa caste.

Le débat sémantique est important car il cache toujours une action médiatique pour inférer sur ce qu’on appelle l’opinion publique.
« Comment faut-il appeler les personnes qui meurent par milliers, avalées, englouties dans les mers de notre monde ? Comment faut-il appeler ceux qui à Calais rêvent de passer en Angleterre, partis de leur pays pour sauver leur peau ? Et ceux qui sont venus pour une vie meilleure tout simplement ? » Ces questions qui paraissent banales sont pourtant rarement posées, alors que le vocabulaire utilisé est porteur d’idéologie, de croyance et de jugements qui alimentent dans la majorité des cas dans nos pays, des sentiments et des opinions dangereuses et la plupart du temps fausses. Les mots comptent : « Réfugiés », « migrants », « clandestins », ou simplement, pour être provocateur, « touristes » ?

La question est pourtant parvenue jusqu’au médiateur de Radio France. En mai, il décrivait le sujet comme « sensible chez de nombreux auditeurs ». Un auditeur remarque : « quand ils sont à nos portes ou sur le territoire de l’Union européenne, ils sont des migrants ou des sans-papiers. Quand ils sont en Turquie parce qu’ils fuient la Syrie, ils sont réfugiés. »

Le choix des mots n’est pas anodin, et il se joue une bataille politique autour de l’emploi de chacun d’entre eux. Tous ne correspondent pas à la même situation juridique (réfugiés/étranger en situation irrégulière, par exemple) et ne projettent pas la même image (migrant/clandestin, par exemple). Il y a donc un sens, une raison, au dérapage de l’un à l’autre. D’autant plus que si on se rappelle la « retirada », l’exil espagnol autour de 1936 : de « clandestins » passant la frontière, ces « migrants » étaient « internés » dans les camps français, pour devenir plus tard des « réfugiés ». Tout cela suivant la politique en vigueur.

Les termes de « clandestins » et de « sans papiers » ne sont utilisés aujourd’hui que par l’extrême droite. Et pourtant nous avons désormais tous en tête des images bouleversantes de familles épuisées, d’enfants dans les bras de leurs parents. Trop banalement. Un communiqué de l’agence des Nations unies soulignait déjà en juin que : « Plus de la moitié de la population réfugiée est composée d’enfants, une proportion tout à fait alarmante. » Ce que dit le glissement de “clandestin” vers “réfugié” ou “exilé”, c’est donc aussi un ressenti, une émotion vive.Un enfant ne peut pas être un “migrant”. Le regard peut aussi changer.

Afghans, Irakiens, Iraniens, Soudanais, Syriens, Kurdes, Érythréens,… : des hommes, des femmes – et des enfants – transitent ainsi par Calais depuis maintenant vingt ans. L’immense majorité d’entre eux fuient la guerre (qu'européens ou américains, ont déclarée ou entretiennent) ou la répression et relèvent d’un besoin de protection internationale. Et nous luttons contre cet « envahissement ».

C’est ainsi que, alors que je rédige (lentement) cet article une photo parait. Aujourd'hui vous la connaissez tous. Et cette photo change toute la perception de ces migrations, confirmant ce que je voulais exprimer : on peut, par la présentation médiatique (émotion, choc,…), modifier et même inverser la position politique de l’opinion publique.

Pas besoin de discussions, le discours de l’extrême droite devient obsolète, je n’ai même plus besoin d’argumenter. Alors pourquoi faut-il attendre si longtemps pour agir. Les hommes restent des hommes, nous ne sommes pas une race supérieure, à enfermer dans des frontières. Mais je reste lucide, le choc de l’image passera vite…

A bientôt.