Sous le même titre, dans ce blog, le 31 juillet vous avez
lu :
Les Blancs sont des
expats (expatriés), les autres sont des immigrés ! La manière de définir
les personnes qui quittent leur pays pour trouver du travail en dit long sur les
préjugés, constate un blogueur africain.
Le dictionnaire Larousse nous définit ainsi le préjugé :
Jugement sur quelqu'un, quelque chose, formé à l'avance selon certains critères
personnels et qui oriente en bien ou en mal les dispositions d'esprit à l'égard
de cette personne, de cette chose. Opinion
adoptée sans examen, souvent imposée par
le milieu, l'éducation : exemple, avoir les préjugés de sa caste.
Le débat sémantique est important car il cache toujours une action
médiatique pour inférer sur ce qu’on appelle l’opinion publique.
« Comment faut-il appeler les personnes qui meurent par
milliers, avalées, englouties dans les mers de notre monde ? Comment
faut-il appeler ceux qui à Calais rêvent de passer en Angleterre, partis de
leur pays pour sauver leur peau ? Et ceux qui sont venus pour une vie
meilleure tout simplement ? » Ces questions qui paraissent banales
sont pourtant rarement posées, alors que le vocabulaire utilisé est porteur
d’idéologie, de croyance et de jugements qui alimentent dans la majorité des
cas dans nos pays, des sentiments et des opinions dangereuses et la plupart du
temps fausses. Les mots comptent :
« Réfugiés », « migrants », « clandestins », ou
simplement, pour être provocateur, « touristes » ?
La question est pourtant parvenue jusqu’au médiateur de
Radio France. En mai, il décrivait le sujet comme « sensible chez de
nombreux auditeurs ». Un auditeur remarque : « quand ils sont à
nos portes ou sur le territoire de l’Union européenne, ils sont des migrants ou
des sans-papiers. Quand ils sont en Turquie parce qu’ils fuient la Syrie, ils
sont réfugiés. »
Le choix des mots n’est pas anodin, et il se joue une
bataille politique autour de l’emploi de chacun d’entre eux. Tous ne
correspondent pas à la même situation juridique (réfugiés/étranger en situation
irrégulière, par exemple) et ne projettent pas la même image
(migrant/clandestin, par exemple). Il y a donc un sens, une raison, au dérapage
de l’un à l’autre. D’autant plus que si on se rappelle
la « retirada », l’exil espagnol autour de 1936 : de «
clandestins » passant la frontière, ces « migrants » étaient
« internés » dans les camps français, pour devenir plus tard des
« réfugiés ». Tout cela
suivant la politique en vigueur.
Les termes de « clandestins » et de « sans
papiers » ne sont utilisés aujourd’hui que
par l’extrême droite. Et pourtant nous avons désormais tous en tête des images
bouleversantes de familles épuisées, d’enfants dans les bras de leurs parents. Trop
banalement. Un communiqué de l’agence des Nations unies soulignait déjà en juin
que : « Plus de la moitié de la population réfugiée est composée
d’enfants, une proportion tout à fait alarmante. » Ce que dit le
glissement de “clandestin” vers “réfugié” ou “exilé”, c’est donc aussi un
ressenti, une émotion vive.Un enfant ne peut pas être un “migrant”. Le regard peut
aussi changer.
Afghans, Irakiens, Iraniens, Soudanais, Syriens, Kurdes,
Érythréens,… : des hommes, des femmes – et des enfants – transitent ainsi
par Calais depuis maintenant vingt ans. L’immense majorité d’entre eux fuient
la guerre (qu'européens ou américains, ont déclarée ou entretiennent) ou la répression et
relèvent d’un besoin de protection internationale. Et nous luttons contre cet « envahissement ».
C’est ainsi que, alors que je rédige (lentement) cet article
une photo parait. Aujourd'hui vous la connaissez tous. Et cette photo change toute la perception de ces migrations,
confirmant ce que je voulais exprimer : on peut, par la présentation médiatique (émotion, choc,…), modifier et
même inverser la position politique de l’opinion publique.
Pas besoin de discussions, le discours de l’extrême droite
devient obsolète, je n’ai même plus besoin d’argumenter. Alors pourquoi faut-il
attendre si longtemps pour agir. Les hommes restent des hommes, nous ne sommes
pas une race supérieure, à enfermer dans des frontières. Mais je reste lucide,
le choc de l’image passera vite…
A bientôt.