lundi 13 juillet 2015

Le grand scandale des inégalités de santé



C’est en France aujourd’hui, que dis-je, en région parisienne, un voyage en RER proposé par « Périphéries » le 21 juin sur France Inter. Cela peut paraître insignifiant, vous verrez que les thèmes abordés dans cette émission d’un très bon niveau, laquelle côtoie l’excellente émission « 3D » qui va disparaître à la rentrée, sont toujours importants sur leurs contenus.
De quoi s’agit-il ? D’un parcours le long de la ligne B du RER.
Départ : le jardin du Luxembourg au cœur de la capitale. Arrivée : La plaine Saint Denis à peine quinze minutes plus loin.
Entre les deux, l’illustration des inégalités territoriales de santé dressées par Emmanuel Vigneron un professeur de géographie, spécialiste de la géographie sanitaire.
Et dans ce périple, qui n’est pas un parcours de santé, chaque minute compte car entre départ et arrivée, en moins de quinze minutes, l’espérance de vie des habitants du quartier a chuté de plus de six années.

Et oui en France, comme dans le monde « avancé », aujourd’hui les inégalités de santé se creusent. Certaines sont liées à la catégorie sociale à laquelle on appartient. D’autres au territoire où l’on vit une forme de discrimination. Les classes sociales n’ont pas disparues comme aiment à le raconter les « experocrates ». Je vais donc vous résumer l’enquête.
Pour les français malgré tout, la santé est toujours perçue comme une préoccupation majeure, arrivant souvent en deuxième position après l’emploi dans les sondages.
La santé a constitué un enjeu électoral au début de la Révolution française et lors du Front populaire.
Mais en dehors de ces périodes, assez peu de « politiques » voient dans la santé une source de revenus et d’emplois très importante, une source de lien social aussi, de cohésion de la nation, une source de fraternité bien utile quand la société est malmenée par la crise. Pourtant tout le monde en paye le coût dans le cadre des impôts républicains et de la Sécu. La santé c’est nous tous à travers les salaires qui payons, mais dans le cadre de la « baisse du coût des charges de l’entreprise » et depuis l’intégration comptable des dépenses de santé par l’UE dans le cadre du budget de l’Etat c’est devenu une dépense diminuée et à diminuer. Donc les politiques en parlent peu, sauf pour dénoncer des « abus ». Quand on compare aux « modèles » américains ou anglo-saxon on est encore loin de leur décadence, mais laissera-t-on aller jusque là ? C’est à nous de voir !
La santé c’est un domaine qui a connu de très grands, rapides et spectaculaires progrès. Longtemps, il a suffi de faire confiance à ce progrès.
Longtemps, il n’y a pas eu scandale. On avait fait un système de santé très égalitaire, bâti sur le même modèle que les lycées, les écoles... La France était un pays à peu près continûment peuplé, et de Paris jusqu’au plus petit hameau, il était assez facile de répartir les équipements selon un principe d’équité.
Aujourd’hui, les zones qui sont loin ou en « périphérie » des métropoles sont des zones de relégation : on y trouve à la fois les personnes âgées et les moins riches. On a donc une sorte de double relégation, qui atteint paradoxalement les personnes qui ont plus besoin de santé et de la solidarité sociale que d’autres. Les déséquilibres se sont donc accentués.
Toutes les inégalités ne sont pas des scandales. Mais quand les inégalités frappent toujours les mêmes, il y a injustice.
Dans le schéma de l’espérance de vie en Ile-de-France, au long du RER B [document ci-dessous]. On y voit qu’à quelques kilomètres de distance, à âge égal, le risque moyen de mourir varie de six ans. La carte des problèmes de santé recouvre en grande partie la carte de la pauvreté.
Mais Vigneron dit aussi que le fait même de vivre dans ces quartiers est pathogène... « C’est ce qu’on appelle « l’effet ZUS ». Il a été démontré que le simple fait d’habiter dans une zone urbaine sensible – une fois qu’on a neutralisé les effets d’âge, de sexe et de classe sociale – a des effets pathogènes. Ils sont liés à mille choses : au cadre de vie, au stress, à la pollution éventuelle, au faut qu’il n’y a pas d’offre de santé suffisante dans ces zones-là. On constate souvent plus de souffrance psychologique et d’obésité qu’ailleurs. C’est simple : dans les quartiers où il y a beaucoup de pauvres, les magasins vendent des trucs de pauvres et la qualité de la vie et de la bouffe s’en ressent. Quand on est plutôt aisé dans une zone pauvre, on adopte même le genre de vie des gens de la zone pauvre. »
Vigneron remarque que le sociologue Didier Fassin considère que « dans les pays industrialisés, l’état de santé d’une population ne dépend de son système médical que pour 1/5e, le reste relevant de facteurs proprement sociaux ».
Quand bien même l’état de santé ne serait lié que pour 20% au système de santé, eh bien c’est 20% sur lesquels nous pouvons agir, et sur lesquels la Constitution fait injonction à tous les républicains d’agir et ce sans oublier les pourcentages restants. On n’améliore pas la qualité des hôpitaux en diminuant leur budget ! D’autant plus que la santé reste un système très administré en France, et donc accessible à l’action publique. Des solutions il y en a, mais il faut rompre avec ce système capitaliste financier inique. Vigneron propose quelques améliorations, en particulier : Enseigner. « Si les jeunes médecins recevaient davantage d’enseignement des humanités – et ce n’est pas un vain mot puisque par le passé ça avait abouti à une meilleure répartition des professionnels –, la situation serait différente. Souvenez-vous : la vente de timbres sur la tuberculose à l’école, c’était de la vraie prévention, on avait des timbres et on allait les vendre en sonnant aux portes des voisins au profit du comité de lutte contre la tuberculose. On se sentait mû d’une certaine responsabilité et du même coup, on apprenait qu’il fallait se laver les mains pour lutter contre les maladies infectieuses. En gros : la République, ça s’apprend. Et pas avec TF1 ».
Mais là aussi l’enseignement ne prend pas la bonne direction.




A bientôt.