jeudi 10 décembre 2015

Retour sur la coupe du monde de rugby



Le modèle tournoi sur un match ne récompense pas toujours l’équipe au plus beau jeu loin s’en faut. Pourtant dans une société où les vertus éducatives seraient reines, ce serait un progrès énorme. Cette année toutefois l’avance des Blacks, que l’on donne pour morts après chaque coupe du monde, à cause du pillage des « champions » par les financiers européens, a été récompensé d’un titre sans conteste qui devrait servir d’exemple au monde, s’il était dirigé par des gens « intelligents ».

Revenons à l’ouverture de cette coupe et relevons des déclarations françaises :
« Avec trois mois de préparation, on va enfin pouvoir rivaliser avec les meilleurs »
« Les Bleus sont la bête noire des Blacks en Coupe du monde »
« Le top 14 est le meilleur championnat du monde »
Saint-André : « Je suis convaincu que la France peut remporter le titre »
Un malin : « Les Français sont tellement imprévisibles, il faut s’attendre à tout »

Après la déculottée contre ces blacks que nous allions déballoner :
Saint-André: « On n'est pas plus cons que les autres » «  Je laisse les intellectuels analyser »"
Laporte : « On s’est vus trop beaux »  (Ca arrive trop souvent)
Pascal Papé : « Je m’en veux surtout à moi de finir ma carrière en bleu sur 60 points, ça me fait chier. Moi, j’ai simplement envie d’envoyer une alerte, les joueurs ne sont pas assez écoutés, ça fait un moment qu’on se bat, qu’on dit qu’on a beaucoup trop de matches. Le rugby, il évolue dans tous les autres pays, on voit les que toutes les équipes nationales évoluent, sauf nous. Donc il faut se poser les questions. C’est sûr qu’on a un championnat attractif avec beaucoup de beaux joueurs, beaucoup de stars, sauf qu’aujourd’hui on est quand même enfermés dans un certain système. L’Angleterre, la Ligue Celte, c’est pas pareil, il y a plus de jeu. Nous, on est toujours dans les guerres de tranchée, et c’est compliqué. Je tenais à la dire car ça me fait chier depuis cinq ans. »
Jean-Claude Skréla (ancien DTN): Disons qu'il faudra que la DTN soit encore plus performante dans la détection des potentiels. Après, dans l'accompagnement jusqu'à 20 ans, on est pas mal. Je pense qu'il faudrait aussi faire un travail spécifique dans les écoles de rugby, autour du développement de la prise d'initiatives. C'est un changement auquel je ne suis pas parvenu moi. Aujourd'hui, le rugby est beaucoup plus entraîné qu'enseigné, c'est à dire qu'on répète des combinaisons, des actions de jeu et on ne laisse pas le joueur choisir d'avancer, de soutenir, etc. C'est toujours sous la responsabilité de l'entraîneur, sans autonomie. C'est à 17-18 ans que cette capacité à voir et agir en même temps se développe. Et si l'on ne joue pas à ce moment-là au plus haut niveau, c'est ensuite trop tard ».
Le président de la FFR a également déploré que le Top 14 ou la Pro D2 n'accordent pas plus d'espace aux jeunes espoirs, cantonnés aux postes de réservistes. « Depuis 6 ans, on essaye de tout réformer, les tranches d'âge, les formations », a-t-il relevé. « Mais les gamins ne jouent pas (en Top 14 ou Pro D2, ndlr)! Ils ne jouent jamais. Or, la meilleure des formations, c'est le jeu ».
Ah tiens !... Je croyais qu’il y avait des règles, notamment JIFF, mais je constate que les clubs « riches » ne les appliquent pas. Pourquoi ?

Regardons le champion :
Si la Nouvelle-Zélande n'a pas connu d'apartheid comme l'Afrique du Sud, l'une des raisons qui explique l'engouement pour le rugby est justement liée dans l'histoire du pays à son aspect rassembleur, dans une société multi-ethnique où les Maoris représentent 15% de la population. Depuis la première Coupe du monde de rugby, ce sport est ainsi « le lieu d’expression de la fierté maorie, particulièrement par la revitalisation du haka comme symbole fondamental des Blacks », relève un journal néo zélandais.
« Que vous soyez Fidjien, Maori, Samoan, Tongien ou Européen, nous sommes tous de Nouvelle-Zélande et la terre sur laquelle nous nous dressons est la nôtre », soulignait le capitaine des All Blacks Mac Caw. « Si la plus grande partie de l’aura qui entoure les All Blacks provient de réminiscences nostalgiques et de l’imagination d’un passé victorieux, la combinaison d’un usage astucieux de cette imagerie et des souvenirs a permis de présenter les joueurs à une nouvelle génération et à une audience plus large comme les représentants de l’identité néo-zélandaise, insiste John Nauright, qui parle de mélange particulièrement habile qui [...] voit la culture ethnique primitive s’allier à la mystique du maillot ».
Cette place à part explique la popularité sans faille du rugby dans le pays. Rien que pour le rugby à XV on compte pas moins de 600 clubs et, selon les données de 2013, plus de 160.000 licenciés. Un chiffre à mettre en perspective avec celui de 454.000 licenciés en France.
Proportionnellement, c'est comme si plus de 2,6 millions de personnes pratiquaient le rugby en club dans l'Hexagone, ce qui en ferait le sport le plus populaire devant le football. Chaque week-end se jouent 3500 matchs rien qu'en Nouvelle-Zélande, sans compter que le rugby est aussi pratiqué dans les collèges et lycées.
La Nouvelle-Zélande se distingue par sa formation ainsi que le « sérieux bagage technique » exigé pour devenir rugbyman dans ce pays, et ce dès le plus jeune âge. Au programme, un gros travail sur les « skills », à savoir les fondamentaux tels que les passes, le jeu au pied ou les contacts, ces gestes techniques individuels à maîtriser absolument pour pouvoir ensuite jouer en équipe.
Autre particularité, des catégories de poids à l'intérieur des catégories d'âge. Un système « unique au monde » mis en place pour ne pas dissuader les jeunes joueurs d'origine européenne face à leurs homologues polynésiens, dont la maturité physique arrive plus tôt. « Cela explique également pourquoi les Néo-Zélandais ont toujours été obligés de travailler leur technique individuelle et les un-contre-un pour espérer faire la différence » résume Ian Borthwick, grand reporter à L'Equipe.
Résultat, la Nouvelle-Zélande présente l'un des jeux les plus techniques et complets et est à l'origine de certaines évolutions du rugby moderne (comme celle du poste de 2e ligne) et dispose d'un vivier lui permettant d'aligner les meilleurs joueurs du monde génération après génération. Les Colin Meads, John Kirwan et Jonah Lomu ont fait place aux Richie McCaw, Kieran Read et Dan Carter d'aujourd'hui, qui eux-mêmes vont laisser place aux Nehe Milner-Skudder, Brodie Retallick et Julian Savea. La relève est assurée et la fédération (NZRU) y tient.
Accusée de « piller » les îles Samoa ou Fidji, la Nouvelle-Zélande dispose de plus de moyens pour dissuader ses propres jeunes de partir. De plus, les joueurs doivent être sous contrat avec la Fédération (donc jouer au pays) pour être internationaux, ce qui permet à la Nouvelle-Zélande d'avoir des clubs très compétitifs avec une forte émulation. La plupart de ceux qui rejoignent l'Europe, comme Carter et Nonu après le Mondial, cherchent surtout une retraite dorée.

Imanol Harinordoqui remarque « Moi, je ne considère pas que le problème soit physique. C’est surtout un décalage de technique et cela commence très jeune, dès la formation. Les Blacks ne courent pas plus vite, ne sont pas plus puissants : c’est d’abord dans les attitudes et techniquement qu’ils font la différence. »

Tout est là. En attendant les blacks nous enchanterons au long de l’année, car le rugby néo zélandais est bâti sur de bonnes bases.

A bientôt.