mercredi 22 mai 2019

Les rois des déclarations sans suite.



M. Emmanuel Macron a souvent assimilé les classes populaires à un groupe de fainéants incultes et braillards, copiant en cela l’opinion publique dominante américaine. Il rompt avec la duplicité des chefs d’État successifs vis-à-vis des milieux défavorisés : les comprendre en parole, mais négliger leurs revendications. « Je vous hais, compris ? » : l’un des slogans écrits au feutre sur de nombreux gilets jaunes condense en une formule-choc l’attitude de M. Emmanuel Macron et la célèbre phrase du général de Gaulle, modèle du double langage des hommes politiques. Au-delà des revendications sociales et fiscales multiples des « gilets jaunes », il y a une constante, c’est leur conviction que les « élites » méconnaissent leurs conditions d’existence, leur mode de vie. On rappelle, sur les ronds-points, les « petites phrases » par lesquelles M. Macron a dévoilé sa vision du « peuple » français : salariées « illettrées », allocataires des minima sociaux qui coûtent un « pognon de dingue », « fainéants », « cyniques », « extrêmes », « les gens qui ne sont rien », « il suffit de traverser la rue pour trouver un travail », etc…
Dans Le Monde Diplomatique, Bernard Pudal (La philosophie du mépris, mars 2019) rapporte qu’à la question « Qu’est-ce que le peuple ? », le président répond : « c’est ceux qu’il faut éduquer, voire rééduquer, ceux qui sont réfractaires, qu’il faut guider, ceux qui se plaignent au lieu de se prendre en main et de se responsabiliser ».
Le peuple : un objet de mépris. Et surtout ignorer la domination de classe dont il est victime.
Marc Bassets dans le grand journal espagnol El Pais écrivait à propos du Grand Débat : « … Il sait tout et a une réponse à tout. De la culture des carottes en Normandie à la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, en passant par la crise de la psychiatrie. Emmanuel Macron entre dans la salle. Il s’assoit. Il écoute et prend des notes. Les séances durent plus de six heures. Quand il parle, il se met debout. Il donne l’impression qu’aucun sujet ne lui échappe. Comme on disait de Manuel Fraga, il a l’État en tête. ¿Líder ejemplar? ¿O repelente niño Vicente? ».
Il y a, sans doute, de l’humour dans le texte, mais c’est exact !
Encore une preuve qu’il ne s’agissait pas de « Grand Débat » mais de show présidentiel.
En Allemagne, Romy Straßenburg dans Die Tageszeitung du 11/02/2019 écrit : « Imaginons qu’Angela Merkel parle de nous comme de compatriotes réfractaires au changement. Qu’elle trouve chez nous un certain nombre de fainéants et beaucoup de femmes illettrées. Qu’elle range les gens qu’elle croise dans un hall de gare dans des cases, d’un côté ceux qui réussissent, de l’autre ceux qui ne sont rien. Pour couronner le tout, qu’elle se gausse de pouvoir trouver du travail en traversant la rue, tout en clamant que la meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler. Qu’elle serait notre réaction? L’indignation? La révolte? La colère? En tout cas, ce genre de commentaires ne feraient pas de bien à l’image de la chancelière. Dieu merci, ce n’est pas elle qui les a prononcés… Comme partout en France depuis trois mois maintenant. Les esprits échauffés, notamment, par les piques d’Emmanuel Macron, ces petites phrases qui sont d’autant plus surprenantes qu’on n’est pas habitué à les entendre à l’échelle internationale ».



En France, les médias qui appartiennent tous (à quelques rares exceptions) à des fortunes financières sont moins critiques.


La voix de son maitre