M. Emmanuel Macron a souvent assimilé les classes
populaires à un groupe de fainéants incultes et braillards, copiant en cela
l’opinion publique dominante américaine. Il rompt avec la duplicité des chefs
d’État successifs vis-à-vis des milieux défavorisés : les comprendre en
parole, mais négliger leurs revendications. « Je vous hais,
compris ? » : l’un des slogans écrits au feutre sur de nombreux
gilets jaunes condense en une formule-choc l’attitude de M. Emmanuel
Macron et la célèbre phrase du général de Gaulle, modèle du double langage des
hommes politiques. Au-delà des revendications sociales et fiscales multiples
des « gilets jaunes », il y a une constante, c’est leur conviction
que les « élites » méconnaissent leurs conditions d’existence, leur
mode de vie. On rappelle, sur les ronds-points, les « petites
phrases » par lesquelles M. Macron a dévoilé sa vision du
« peuple » français : salariées « illettrées »,
allocataires des minima sociaux qui coûtent un « pognon de dingue »,
« fainéants », « cyniques », « extrêmes »,
« les gens qui ne sont rien », « il suffit de traverser la rue
pour trouver un travail », etc…
Dans Le Monde Diplomatique, Bernard Pudal (La philosophie du
mépris, mars 2019) rapporte qu’à la question « Qu’est-ce que le
peuple ? », le président répond : « c’est ceux qu’il faut
éduquer, voire rééduquer, ceux qui sont réfractaires, qu’il faut guider, ceux
qui se plaignent au lieu de se prendre en main et de se responsabiliser ».
Le peuple : un objet de mépris. Et surtout ignorer la
domination de classe dont il est victime.
Marc Bassets dans le grand journal espagnol El Pais écrivait
à propos du Grand Débat : « … Il sait tout et a une réponse à tout.
De la culture des carottes en Normandie à la réintroduction de l’ours dans les
Pyrénées, en passant par la crise de la psychiatrie. Emmanuel Macron entre dans
la salle. Il s’assoit. Il écoute et prend des notes. Les séances durent plus de
six heures. Quand il parle, il se met debout. Il donne l’impression qu’aucun
sujet ne lui échappe. Comme on disait de Manuel Fraga, il a l’État en tête.
¿Líder ejemplar? ¿O repelente niño Vicente? ».
Il y a, sans doute, de l’humour dans le texte, mais c’est
exact !
Encore une preuve qu’il ne s’agissait pas de « Grand
Débat » mais de show présidentiel.
En Allemagne, Romy Straßenburg dans Die Tageszeitung du
11/02/2019 écrit : « Imaginons qu’Angela Merkel parle de nous comme
de compatriotes réfractaires au changement. Qu’elle trouve chez nous un certain
nombre de fainéants et beaucoup de femmes illettrées. Qu’elle range les gens
qu’elle croise dans un hall de gare dans des cases, d’un côté ceux qui
réussissent, de l’autre ceux qui ne sont rien. Pour couronner le tout, qu’elle
se gausse de pouvoir trouver du travail en traversant la rue, tout en
clamant que la meilleure façon de se payer un costard, c’est
de travailler. Qu’elle serait notre réaction? L’indignation? La révolte?
La colère? En tout cas, ce genre de commentaires ne feraient pas de bien à
l’image de la chancelière. Dieu merci, ce n’est pas elle qui les a prononcés…
Comme partout en France depuis trois mois maintenant. Les esprits échauffés,
notamment, par les piques d’Emmanuel Macron, ces petites phrases qui sont
d’autant plus surprenantes qu’on n’est pas habitué à les entendre à l’échelle internationale ».
En France, les médias qui appartiennent tous (à quelques
rares exceptions) à des fortunes financières sont moins critiques.
La voix de son maitre