lundi 2 octobre 2017

Revue de presse…



La lecture du journal les Echos, le quotidien de l’Economie, est fort intéressante pour connaître les opinions de la classe dominante. Suivons quelques titres relevés dans le quotidien ces derniers mois.

Le 19 juin 2017, selon Jean Marc Vittori / Editorialiste :
La prochaine crise financière, inévitable et imprévisible.
Sous-titre : Le monde n'a pas connu de crise financière depuis cinq ans. Inutile d'espérer pour autant que nous ayons appris de nos erreurs. Les crises financières viennent de notre refus d'envisager des risques pourtant bien réels.
Rien à rajouter ! A chaque « crise » ils nous en rajoutent assez.

Le 12 juillet : les Echos :
Les ménages les plus riches, grands gagnants des réformes annoncées par l'exécutif.

Le 15 juillet : les Echos :
L'Allemagne a engrangé plus d'un milliard de profits sur la Grèce.

Le 25 juillet :
L'inquiétant recul du quotient intellectuel.
Sous-titre : Un nombre croissant d'études montrent un recul généralisé du QI moyen dans le monde occidental....
Quand je constate que les inégalités grimpent à grande vitesse, je pense qu’il y a certainement du vrai.
Renseignement pris ces études concernent les jeunes de nos démocraties « avancés ». Tiens ! Je croyais que l’on réformait en permanence l’école pour la rendre meilleure ! Nos gouvernants ne nous leurrerait-ils pas ?

Le 3 août : Ce que Neymar pourrait rapporter aux caisses de l'État. Franceinfo
Le 5 août : Selon Jérôme Commerçon / Avocat associé au cabinet Scotto & Associés sur les Echos :
En France, Neymar bénéficiera d'une fiscalité très avantageuse.
Sous-titre : Exonération d'impôts sur le revenu, pas d'ISF pendant cinq ans... Le régime fiscal applicable aux impatriés offrira de nombreux avantages à Neymar, nouvelle recrue du PSG.

Le 15 août : Le Monde.fr avec AFP |annonce :
Le bilan des enfants morts dans un hôpital public indien s’alourdit.
Vingt-cinq enfants ont perdu la vie durant le week-end, ce qui porte à 85 le nombre total des morts à l’hôpital public de Gorakhpur, dans l’Uttar Pradesh. D’après les médias indiens, ils ont succombé en raison d’une pénurie de bonbonnes d’oxygène dans les services pédiatriques de l’établissement. Selon eux, la société fournissant ces dernières aurait mis fin à ses services, apparemment en raison du non-paiement de factures se chiffrant à plusieurs millions de roupies, certaines remontant à novembre.
Un fait divers. Le BJP, religieux hindous qui dirigent le pays, oublie de financer les hôpitaux mais fera quelques prières.

Le 5 septembre : Charles Thomas / co-fondateur et dirigeant de l’entreprise Comet sur le Echos
Les travailleurs indépendants sont l’avenir des grands groupes.
Un autre titre le même jour :
Un plan sur-mesure pour simplifier la vie des indépendants. 
Ils bénéficieront de gains de pouvoir d'achat en 2018 puis en 2019....
Soyez vous-même votre patron, c’est l’avenir du capitalisme décadent.

Le 9 septembre : Le Figaro signale :
Réformes : Macron  ne veut rien céder «aux fainéants, aux cyniques et aux extrêmes».
C’est Macron s’engageant dans le dialogue social. Rajoutant « la démocratie, ça n’est pas la rue ». La Révolution s’est faite dans les salons sans doute, et les acquis de 1936 et 1945 ont été offerts par la bourgeoisie !

Le 16 septembre : Une info nous montre Jupiter sous un jour plus royaliste que le roi :
Un édit n'impose en aucun cas le français comme langue aux populations du royaume!
À l'occasion des journées du patrimoine ce samedi 16 septembre, Emmanuel Macron, en compagnie de son nouveau « monsieur patrimoine » Stéphane Bern, a visité avec une classe de CM2 le château de Monte-Cristo dans les Yvelines, où a demeuré l'écrivain Alexandre Dumas.
Au cours de cette visite, l'animateur a présenté aux élèves l'ordonnance de Villers-Cotterêts signée en 1539 par François Ier, « qui fait du français la langue officielle », a-t-il expliqué. « Si nous parlons tous le français, c'est grâce à l'ordonnance de Villers-Cotterêts », a assuré Stéphane Bern.
Après l'animateur, Emmanuel Macron a également joué les profs d'histoire, en insistant auprès des enfants: « à ce moment-là, dans son château, le roi a décidé que tous ceux qui étaient dans son royaume devaient parler français ». Une séquence pédagogie immortalisée par les services du chef de l'État puis relayée sur son compte Twitter.
Sauf que cette version a fait hurler l'historienne Mathilde Larrère (ancienne membre du Parti de gauche), connue sur Twitter pour corriger les politiques qui instrumentalisent l'histoire. Dans une série de tweets, cette spécialiste des révolutions et de la citoyenneté à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée a taillé en pièces la leçon du chef de l'État.
« L'édit n'impose en aucun cas le français comme langue aux populations du royaume! », écrit-elle, précisant que celui-ci porte uniquement sur « les actes légaux et notariés ». « L'édit, c'est surtout une étape dans l'imposition du pouvoir royal », poursuit-elle, expliquant que l'imposition du français à toute la population arrive bien plus tard. « Ce que vous tentez d'attribuer à François Ier... c'est la Révolution qui l'impose », s'étrangle-t-elle.
Si l'ordonnance de Villers-Cotterêts (également nommée ordonnance Guillemine) est un acte fondateur de la francisation de l'administration, elle n'avait pas vocation à mettre fin à l'utilisation des patois locaux. Ce que le président a pourtant laissé entendre aux élèves.
Comme quoi Jupiter peut se faire avoir !

Bon, il y a du pain sur la planche !  A bientôt … dans la rue ! Rendez-vous avec Jupiter : Président élu avec même pas 20% du corps électoral !

Si on parlait rugby …




Les Rubipèdes est une BD de Michel Iturria que je lisais il y a une trentaine d’années. Le TOP14 depuis quelques années me rappelle les scènes les plus humoristiques de cette BD sur le rugby de l’époque. Un rugby sans la violence « autorisée » des chocs actuels, mais parfois quelques savates traînaient dont les auteurs spécialisés, cibles de la critique humoristique, étaient connus. Aujourd’hui la percussion, chère à nos commentateurs TV, est si souvent sujette « au protocole commotion » que l’on ne s’étonne même plus. Faisons un tour de la situation.
 « On s’étonne que les joueurs aient perdu l’art de manipuler le ballon mais ça fait quinze ans que dans les écoles de rugby on fait péter les gamins dans des boucliers. » dit JP Elissalde père.
Je m’étonne qu’il s’étonne ! Il y a 30 ans, j’étais sur les terrains et je voyais déjà quatre « éducateurs » sur cinq, apprenant les petits tas, ou utilisant le gamin le plus costaud pour emporter tout et gagner le « match ». Il y a bien longtemps que ce n’était plus le « prof de gym » qui apprenait la technique individuelle et collective. JP devrait s’en rappeler.




Marc Lièvremont alerte sur le TOP14 : « De la casse humaine et des dérives de toute nature ».
L'ancien troisième ligne international, Olivier Magne rappelle : "Il y a deux fois plus de commotions en Top 14 qu'en Super 15"
Raphaël Poulain : "Avec un rugby d'évitement, nos joueurs seraient moins en danger". Ah ! Cela existe donc.
Le président de la LNR Goze avertit : "Si on continue comme ça, il n’y aura plus personne dans les écoles de rugby".
Pour revenir au XV de France : « les dix semaines accordées aux joueurs de la Liste Elite durant l’intersaison peuvent-elles changer les choses. Vous pensez sérieusement que les joueurs vont devenir irréprochables techniquement avec deux semaines supplémentaires ? » rajoute JP Elissalde.
Olivier Magne pointe du doigt la formation, la mentalité et l'immobilisme des dirigeants. Dossier explosif  selon le journal. En premier lieu, la formation. Olivier Magne dit : « Un petit Français et un petit Néo-Zélandais, à sept ans, n'ont pas plus de qualités ou de défauts l'un que l'autre. Et pourtant, à dix-neuf ans, le jeune Néo-Zélandais est bien meilleur que le Français. Qu'est-ce qui amène à ça ? Et au-delà du constat : qu'est-ce qu'on fait ? »
« Il faut que le Top 14 se joue plus sur la vitesse » selon Jean-Frédéric Dubois. Alors, quelles solutions préconise l’ancien demi d’ouverture ? Fini le jeu de percussions, place aux passes, à l’évitement et à la vitesse. « Je pense qu’il faut que ce soit un championnat qui se joue beaucoup plus sur la vitesse. Donc il faut orienter ce jeu vers là. » Bref, le retour du French Flair en somme. Mais la question reste de savoir comment faire changer de philosophie de jeu ceux qui ont mis en place et développé ce rugby de destruction permanent.




Avec Provale, l’union des joueurs de rugby professionnels, lors de son Assemblée Générale, à Orly (Val-de-Marne), comme chaque année, la problématique des commotions cérébrales a été au cœur du débat. Mais après les paroles, tous les acteurs attendent désormais des actes forts : « Pour l’être humain, il faut se dire que ce sport, on peut le pratiquer différemment. On est trop allé dans le défi physique ».
Alors quand changera-t-on quelque chose ? Un changement de mentalité n’est jamais rapide mais avec l’introduction des entrepreneurs à la tête des clubs cela est-il possible ? Le patronat veut du profit sonnant et trébuchant quels que soient les risques. Et certains téléspectateurs redemandent des chocs, du moment que ce ne sont pas eux qui les prennent. Mais chez Provale on commence à se poser la question, nous joueurs : « comment serons-nous dans 10 ans?».  



All Blacks et formation rugbystique.



En octobre 2015 au Millennium Stadium de Cardiff, le XV de France était pulvérisé (62-13) par la Nouvelle-Zélande en quart de finale de Coupe du monde. Le 10 décembre 2015 j’écrivais dans ce blog : La Nouvelle-Zélande se distingue par sa formation ainsi que le « sérieux bagage technique » exigé pour devenir rugbyman dans ce pays, et ce dès le plus jeune âge. Au programme, un gros travail sur les « skills », à savoir les fondamentaux tels que les passes, le jeu au pied ou les contacts, ces gestes techniques individuels à maîtriser absolument pour pouvoir ensuite jouer en équipe. Autre particularité, des catégories de poids à l'intérieur des catégories d'âge. Un système « unique au monde » mis en place pour ne pas dissuader les jeunes joueurs d'origine européenne face à leurs homologues polynésiens, dont la maturité physique arrive plus tôt. « Cela explique également pourquoi les Néo-Zélandais ont toujours été obligés de travailler leur technique individuelle et les un-contre-un pour espérer faire la différence » résume Ian Borthwick, grand reporter à L'Equipe. Ainsi «On ne distingue plus les avants des arrières sur le plan du déplacement et de la gestuelle, ajoute Villepreux. Leurs gestes sont innovants, ils osent les tenter, surtout quand c'est difficile car ils ont confiance dans leur collectif. Pour eux, manquer un geste n'est pas une erreur».
Deux ans plus tard, les All Blacks ont atomisé ce mois de septembre l'Afrique du sud (57-0) dans le Rugby Championship, tournoi des quatre nations de l'hémisphère Sud.
Si la formation est l’élément important, comme dans la vie, ce qui caractérise le jeu des Blacks pourrait servir à nos entraîneurs de Top14, s’ils ont envie d’évoluer ! 
Plusieurs techniciens de notre rugby, ont analysé la « tactico-technique » du jeu néo-zélandais actuel. Ils relèvent qu’il y a un renouvellement de l'effectif et les évolutions tactiques sont plus simples à mettre en pratique grâce à la formation unifiée :
Olivier Magne, ex-coach des Bleuets, immergé au sein de la province des Crusaders, raconte comment l'excellence du jeu néo-zélandais se prépare à l'entraînement. Préparation physique et exercices techniques, en intensité de match et toujours avec le ballon
«Le travail physique s'effectue sur le terrain à haute intensité, dans les conditions d'efforts les plus proches d'un match. Voire parfois plus dures... Ils travaillent sur des séquences de courses, et toujours avec ballon, de deux à trois minutes, et à fond, afin de s'accoutumer à cette intensité. Plus étonnant, pendant les séances de musculation, par exemple, quand les muscles sont engorgés, ils enchaînent très vite des situations de jeu face à une défense raisonnée afin d'être capables de réagir même en état de fatigue extrême.»  «Ils ont un ballon dans les mains tous les jours, voire quasiment un ballon par joueur sur le terrain. Tous les exercices sont ludiques, ce qui permet d'expérimenter les gestes qui semblent farfelus. A l'arrivée, en match, on s'aperçoit que ce n'est pas superflu. Bien sûr, il y a du déchet à l'entraînement, mais ça ne les gêne pas, et il se réduit au fur et à mesure des exercices. Surtout, ils cherchent en permanence le geste juste dans des registres qui ne sont pas académiques. En fait, ils travaillent tout ce qui semble être hors du commun, ils expérimentent beaucoup à l'entraînement.»
Par la pratique prioritaire du jeu debout, et un rugby d'évitement, de recherche des espaces, la percussion et les « petits tas » deviennent plus souvent des « accidents de jeu » comme le disait déjà Villepreux, il y a quelques années.
Il y a là matière à réfléchir, mais tout ceci n’est pas nouveau, la facilité d’obtenir « un résultat » étant plus souvent utilisée dans nos contrées, la percussion-démolition plus simple à réaliser (fonction simplement du poids-vitesse au choc),  sera encore longtemps utilisée. L’enseignement sportif, comme l’enseignement général, techniques demandant efforts intellectuels et efforts physiques n’est plus notre fort.

Travailleurs déplacés, précaires, intérimaires, sous traitants…



Toutes les ordonnances sur le Code du Travail n’auront aucun impact sur le chômage (si ce n’est de l’augmenter au départ), même les « experôcrates officiels» en sont conscients. En Gréce, au Portugal, en Espagne et en Italie, il n’y a pas moins de chômeurs. Macron ( et peut être ses sponsors ) espère que, comme en Allemagne et au Royaume Uni, la multiplication des contrats précaires payés en dessous du SMIC, diminuera petit à petit le nombre de chômeur indemnisé, et le tour sera joué. Rien n’est moins sur.

Au Royaume Uni « The Guardian » le 11 juillet disait ;
«  Il faudrait être particulièrement naïf pour être déçu par le “rapport Taylor” des conservateurs. Sur l’échiquier politique, ces derniers existent pour défendre les intérêts du patronat et de ceux qui détiennent argent et pouvoir. C’est leur rôle principal. Et c’est pourquoi les grandes entreprises et les grandes fortunes sont si généreuses avec ce parti. Elles considèrent, certainement à juste titre, que c’est un investissement : le jeu en vaut largement la chandelle grâce aux abattements fiscaux, à la déréglementation, aux privatisations et à l’érosion des droits des travailleurs…
Thomson Sollicitors, un cabinet d’avocats spécialisé dans le droit du travail, propose que les travailleurs ni indépendants ni salariés soient appelés des “prestataires dépendants”. Ces personnes disposent déjà de droits tels que les indemnités d’arrêt maladie mais leur mise en application pose toujours problème. Les tribunaux ont déjà tranché en faveur de ces employés de la « gig economy », dont les droits ne sont pas respectés : Uber a perdu son procès pour la qualification de ses chauffeurs en travailleurs indépendants [en octobre]. Selon le jugement rendu, ces derniers devraient être payés un minimum décent et bénéficier d’autres acquis sociaux, comme les congés payés…
Ce qui est alarmant, c’est que le rapport risque de saper le droit du travail. Le Trade Union Congress [fédération des syndicats britanniques] craint un retour du salaire “à la tâche” : dans ce cas, un chauffeur Uber ou un coursier Deliveroo coincé dans les embouteillages serait “moins payé parce qu’il n’a pas rempli son quota”. Aucune proposition n’aborde la création de nouvelles réglementations, il s’agit plutôt de promouvoir des changements dans la culture d’entreprise. Mais ce n’est pas une quelconque morale qui conférera aux travailleurs les droits qu’ils méritent : les employeurs sans scrupule se contenteront d’appliquer la loi au strict minimum. »

La réforme du Code du travail est inacceptable, ce serait en France, comme ailleurs, une victoire du mépris de la classe dominante sur la classe exploitée. Experts de cafés du commerce télévisés, professeurs d’économie proches du pouvoir ou travaillant en sous-main pour de grands groupes, éditorialistes vendus aux vertus de l’indispensable «simplification », tous tentent de faire croire au pays que le capitalisme nous veut du bien. Mais ils ne savent  même plus « tenir leur langue ». Arrogance et mépris sont leur lot quotidien.
Travailleurs déplacés, précaires, intérimaires, sous traitants… C’est le retour de l’esclavage dans le cadre de la rentabilité capitaliste.

Seule l’unité des travailleurs avec leurs organisations peut marquer un coup d’arrêt définitif à la liquidation de toutes les conquêtes de la classe ouvrière. Le chômage augmente, les dividendes des actionnaires aussi, les salaires baissent, la pauvreté monte, c’est cette politique qu’il faut combattre.
Six cents militants délégués de comités locaux appartenant à différentes organisations syndicales et politiques, des élus, ont décidé de constituer un « Comité national de résistance et de reconquête » pour la défense des conquêtes arrachées en 1936 et 1945. Il est plus que jamais d’actualité.

Un peu d'humour



Pas intéressants allez ! (suite)



J’avais, dans la dernière publication, rapporté un article de Morvan Lebesque, écrit il y a 50 ans, et je relevais que, bien qu’en France aujourd’hui on parlait peu de la classe sociale la plus pauvre pour rejeter l’immigration, l’actualité de cet article était pourtant éminente.
Vous pouvez relire, ou lire cet article
Pour résumer, un extrait du texte et la conclusion :
« Pas intéressants allez ! »  Cette petite phrase révélatrice, il faut, pour bien la comprendre, avoir été prolétaire, ne fut-ce qu'un temps. On apprend là une vérité pour toute la vie : la morale c'est la condition qu'on vous fait. Les ouvriers sont comme tout le monde, ni meilleurs ni pires. Les ouvriers sont vous et moi, avec leur bien et leur mal. Mais leur condition est de produire sans en tirer juste profit, c'est- dire d'être exploités, c'est-à-dire d'être opposants. Alors, on se défend d'eux avec des moralismes. Classe inférieure égale moeurs inférieures. A l'extrême, devant le bidonville : « Ah, ces gens-là ne sont guère intéressants, allez ! Vous pourriez vivre, vous, dans cette crasse ? »…En vérité, ce qui n'est pas intéressant, mais alors pas du tout ! , c'est cette absence de dimension de l’esprit et du cœur : c'est un système assez rétrograde pour nous parler morale, comme en 1900, quand il s'agit seulement de la condition humaine.

En Allemagne aujourd’hui, depuis les fameuses lois Hartz IV, le modèle qui inspire Emmanuel Macron a généré l’ostracisme envers les ayants droits à la solidarité étatique, qualifiés de parasites. En Allemagne on n’a jamais compté aussi peu de demandeurs d’emploi, ni autant de précaires. Le démantèlement de la protection sociale au milieu des années 2000 a converti les chômeurs en travailleurs pauvres. « L’enfer du miracle allemand », un article d’Olivier Cyran, journaliste indépendant allemand vivant en France,  décrit, par exemple, l’ambiance du Jobcenter d’un quartier berlinois : « … Un membre de l’équipe l’entraîne par le coude pour lui prodiguer ses conseils à l’écart : à qui adresser un recours, à quelle porte frapper pour porter plainte si le recours n’aboutit pas, etc... Parfois, le minibus sert de refuge pour traiter d’un problème à l’abri des regards ». « C’est l’un des effets de Hartz IV, observe Mme Freitag. La stigmatisation des chômeurs est si prégnante que beaucoup éprouvent de la honte à seulement évoquer leur situation devant d’autres. »
En 2005, on pouvait lire dans une brochure du ministère de l’économie, préfacée par le ministre Wolfgang Clement (SPD) et intitulée : « Priorité aux personnes honnêtes. Contre les abus, les fraudes et le self-service dans l’État social ». Dans le texte on pouvait lire : « Les biologistes s’accordent à utiliser le terme “parasites” pour désigner les organismes qui subviennent à leurs besoins alimentaires aux dépens d’autres êtres vivants. Bien entendu, il serait totalement déplacé d’étendre des notions issues du monde animal aux êtres humains. » Mais, « bien entendu », l’expression « parasite Hartz IV » fut abondamment reprise par la presse de caniveau, Bild en tête.
Les déclarations des leaders, dont particulièrement le SPD, sociaux-démocrates allemands, au pouvoir, s’enveniment :
« La misère, ce n’est pas la pauvreté du porte-monnaie, mais la pauvreté de l’esprit. Les classes inférieures ne manquent pas d’argent, elles manquent de culture. (...) La pauvreté découle de leur comportement, c’est une conséquence de la sous-culture. » Walter Wüllenweber, éditorialiste, Stern, 16 décembre 2004.
« La pauvreté n’est pas qu’une question d’argent. (...) Ce qui compte pour une famille, c’est de bien savoir dépenser son argent. (...) Un repas dans un fast-food est non seulement moins bon pour la santé, mais aussi plus coûteux qu’un ragoût avec des légumes de saison. »  Renate Schmidt, ministre fédérale de la famille (Parti social-démocrate, SPD), Bild am Sonntag, 27 février 2005.
« Seul celui qui travaille doit pouvoir manger. » Franz Müntefering, président du SPD, vice-chancelier et ministre fédéral du travail et des affaires sociales, devant le groupe SPD au Bundestag, 9 mai 2006.
« Si vous vous lavez et que vous vous rasez, vous trouverez un boulot. » Kurt Beck, président du SPD, s’adressant à un chômeur, Wiesbadener Tagblatt, 13 décembre 2006.
Aujourd’hui un actif sur dix est considéré comme pauvre en Allemagne.Le nombre de personnes concernées a plus que doublé en dix ans. Le chancelier SPD Schroeder, travail accompli pour le patronat, est retourné dans le privé, avec une rémunération conséquente. Et le SPD ne s’en remet toujours pas !
Quand aux victimes de la soi-disant « crise » : Pas intéressants allez !

L’Allemagne rejoint en cela les Etats-Unis où, selon le prix Nobel d’économie Krugman, les Républicains partisans de la politique libérale « du moins d’Etat », qualifient les pauvres de voleurs et de profiteurs.
Et voilà que notre Jupiter toujours aussi arrogant, exprime son mépris pour « les fainéants, les cyniques et les extrêmes… » Tiens ! Le rejet est à la mode. Quant aux médias, ils amalgament « les pauvres qui ne comprennent rien » et « votent donc pour Mélenchon et le Pen ». Pour eux, la démocratie n’est possible que dans une république « élitaire », donc revenir chez les grecs de l’antiquité sans doute. Le bon temps où le vote était réservé à la classe dominante. Quant il faudra envoyer les CRS contre les grévistes les gens « qui comprennent » pourront dire : « Pas intéressants allez ! »
Adieu le droit à la solidarité, à la justice sociale, aux fonctions de régulation de l’Etat. En route vers le barbarisme de la jungle économique. Retour vers le futur antérieur ! Le capitalisme dans sa phase de décomposition  « est un système assez rétrograde pour nous parler morale, comme en 1900, quand il s'agit seulement de la condition humaine ».
On parle plus obligeamment des fraudeurs au fisc, des spécialistes des paradis fiscaux, pourtant : « Nous, sans eux, on peut faire, mais eux, sans nous, ils ne sont rien »
A bientôt.

Un livre remarquable



J’ai lu un livre remarquable. Un journaliste noir américain, TaNehisi Coates, déjà récompensé de nombreux prix pour ses articles, écrit à son fils de 15 ans, pour lui retracer d’où il est sorti, et comment ses parents lui ont appris à se poser des questions et à réfléchir, à la place des réponses toutes faites. Dès la préface d’Alain Mabanckou, on perçoit l’universalité du problème qu’il ne peut éviter. Car si on constate au fil des pages la profondeur du problème aux Etats-Unis, on constate aussi que le Rêve américain est un rêve qui se conjugue à la couleur blanche, même s’il n’est pas partout à sa hauteur.
Je vous propose quelques extraits qui demandent un instant de réflexion fort intéressante :

« Eh, négro, on fait quoi maintenant ? ». Je les jugeais en fonction du pays que j'avais sous les yeux, qui avait conquis ses terres par le meurtre et les avait cultivées grâce à l'esclavage, ce pays qui éparpillait ses armées partout dans le monde afin d'étendre sa domination. Le monde, le monde réel, c'était la civilisation, installée et contrôlée par la sauvagerie. Comment l'école pouvait-elle glorifier des hommes et des femmes dont les valeurs étaient piétinées aussi résolument par la société ? Comment pouvait-elle nous lâcher dans les rues de Baltimore, en connaissance de cause et nous parler de non-violence ? J'en suis venu à considérer la rue et l'école comme les deux bras d'un même monstre. L'une profitait du pouvoir officiel de l'état tandis que l'autre s'appuyait sur son approbation implicite.
Mais c'est la peur et la violence qui constituaient leur arsenal. Si tu échouais dans la rue, les bandes profitaient de ta chute et s'emparaient de ton corps. Si tu échouais à l'école, tu en étais renvoyé et tu finissais par atterrir dans cette même rue, où les bandes s'emparaient, à peine un peu plus tard, de ton corps. J'ai donc commencé à comprendre la relation qui unissait ces deux bras.
Ceux qui se retrouvaient en situation d'échec à l'école offraient à la société toutes les armes pour justifier leur destruction dans la rue. La société pouvait dire : « Il aurait dû rester à l'école » et s'en laver les mains.
Que les « intentions » de chaque éducateur individuel aient été nobles n'a aucune importance. Oublie les intentions. Ce que n'importe quelle institution - ou n'importe lequel de ses  agents - a comme « intention » à ton égard demeure secondaire. Notre monde est un monde physique. Il faut que tu apprennes à jouer défensif : ignorer ce que dit la tête et ne pas quitter le corps des yeux. Très peu d'Américains affirmeraient sans ambages qu'ils veulent que les Noirs soient abandonnés à la rue. Mais de très nombreux Américains font tout ce qu'ils peuvent pour préserver l'existence du Rêve. Quand j'étais jeune, personne n'aurait osé dire franchement que l'école était faite pour sanctifier l'échec et la destruction. Mais de très nombreux éducateurs parlaient de « responsabilité   individuelle » dans un pays fabriqué et entretenu dans un climat d'irresponsabilité criminelle. Le but de ce langage, fait d' « intentions » et de « responsabilité individuelle » c'est la disculpation à grande échelle. On convient que des erreurs ont été commises. Que des corps ont été détruits. Que des gens ont été réduits en esclavage. Mais on pensait bien faire.
On a fait au mieux. Cette expression, « bonnes intentions » c'est un badge qui permet de traverser l'histoire sans encombres, un somnifère garant du Rêve.
Il est devenu essentiel pour moi de remettre constamment en question les histoires qu'on me racontait à l'école. Ne pas demander « pourquoi ? » et ne pas continuer à poser la question encore et encore était une erreur. J'ai posé des questions à mon père, qui très souvent refusait de me répondre et préférait me renvoyer vers d'autres livres. Ma mère et mon père m'éloignaient toujours des réponses toutes faites, des réponses au rabais - même de celles qu'ils croyaient vraies.

Pendant une recherche pour un article dans la ville de Chicago :

 J'avais passé la semaine à explorer la ville, déambulant parmi les terrains vagues, observant les gamins désoeuvrés, m'asseyant sur les bancs d'églises en sursis, chancelant dans la rue devant les peintures murales dédiées aux morts. Et, de temps en temps, j'entrais dans les humbles foyers des Noirs de cette ville, qui avaient dix décennies d'existence. Ces gens étaient profonds. Leurs logements étaient remplis des emblèmes d'une vie digne - certificats de citoyenneté, portraits de maris et de femmes disparus, plusieurs générations d'enfants vêtus du costume de leur université. Ils avaient su mériter ces récompenses à force de faire le ménage dans d'imposantes demeures pendant qu'ils vivaient dans des chambres sordides de l'Alabama, avant de monter à la ville. Et ils avaient réussi tout ça contre la ville, qui était censée leur accorder un répit mais s'était avérée n'être qu'un autre terrain de pillage, un peu plus complexe. Ils avaient cumulé deux, trois emplois à la fois, mis leurs enfants au lycée et à l'université, et étaient devenus des piliers de leur communauté. Je les admirais, mais je ne perdais jamais de vue que je rencontrais là les survivants, tout au plus : ceux qui avaient enduré le mépris glacial des banques, la fausse sympathie des agents immobiliers - « je suis désolé, cette maison vient d'être vendue hier » - les renvoyant vers des quartiers situés dans les ghettos ou bientôt destinés à devenir des ghettos, le cynisme des prêteurs qui découvraient cette nouvelle classe captive et tentaient de la dépouiller de tout ce qu'elle possédait. Dans ces foyers, je parlais aux meilleurs d'entre eux, mais derrière chacun, je savais que des millions avaient disparu.
Je savais aussi que des enfants étaient nés dans le même genre de cages à poules dans le Westside dans les mêmes ghettos, tous aussi planifiés que n'importe quelle subdivision administrative. Ces quartiers sont le résultat d'un acte de racisme élégant, ce sont des champs de mort autorisés par les politiques fédérales, où nous sommes, encore une fois, pillés de notre dignité, de nos familles, de nos richesses et de nos vies. Et il n'y a aucune différence entre le meurtre de Prince Jones et ceux qui se produisent sur ces champs de mort : les deux phénomènes puisent leurs racines dans l'inhumanité supposée des Noirs. Une histoire de pillage, un enchevêtrement de lois et de traditions, un héritage, un Rêve, voilà ce qui avait tué Prince Jones, aussi sûrement que ça tuait des Noirs à North Lawndale avec une régularité effrayante. « Le crime des Noirs envers les Noirs » c'est du jargon, c'est la violence appliquée au langage, une violence qui fait miraculeusement disparaître les hommes qui ont conçu les contrats d'habitation, ficelé les dossiers de finance ment, imaginé les cités, construit les rues et vendu de l'encre rouge au baril. Et ça ne devrait pas nous surprendre. Le pillage de la vie noire a été inscrit dans ce pays dès sa petite enfance et renforcé tout au long de son histoire. Ce pillage est ainsi devenu un trésor familial, une intelligence, un état de conscience, un réglage par défaut vers lequel, sans doute pour le restant de nos jours, nous devons invariablement revenir.
Les champs de mort de Chicago, de Baltimore, de Detroit, ont été créés par la politique des Rêveurs, mais leur poids, la honte qui les enveloppe, ne reposent que sur ceux qui y meurent.
Il y a là une grande supercherie. Hurler au « crime des Noirs envers les Noirs » revient à tirer sur un homme puis à lui faire honte parce qu'il saigne. Quant au principe fondateur qui permet l'existence de ces champs de mort - la soumission du corps noir -, il n'est pas différent de celui qui a permis le meurtre de Prince Jones. Le Rêve consistant à agir en tant que Blanc, à parler blanc, à être blanc, a assassiné Prince Jones aussi sûrement qu'il assassine des Noirs à Chicago avec une régularité effrayante. N'accepte pas ce mensonge. Ne bois pas de ce poison. Les mains qui ont tracé ces lignes rouges autour de la vie de Prince Jones sont les mêmes que celles qui ont tracé les lignes rouges autour du ghetto.

Il reprend une anecdote pour son fils :

Te souviens-tu du jour où je t'ai emmené au travail pour la première fois, quand tu avais treize ans ? J'allais voir la mère d'un enfant noir qui était mort. Le garçon avait eu une altercation avec un homme blanc et il avait été tué parce qu'il refusait de baisser le son de sa musique. Le tueur, une fois son chargeur vidé, avait emmené sa copine à l'hôtel. Ils avaient bu. Ils avaient commandé une pizza. Et le lendemain, de son propre gré, l'homme s'était rendu, déclarant avoir vu une arme à feu. Il avait affirmé avoir craint pour sa vie et avoir agi par légitime défense. « J'ai été victime, puis vainqueur » avait-il déclaré, tout comme des générations de pillards américains l'avaient déclaré avant lui. Aucune arme n'a jamais été retrouvée. Le jury a été influencé par ses déclarations; il n'a pas été jugé coupable du meurtre, seulement d'avoir tiré plusieurs fois alors que les amis du gamin essayaient de s'enfuir. Détruire le corps d'un Noir était acceptable, à condition de le faire avec efficacité.

« On sait que les réactions des politiques sont tributaires des enjeux électoraux et de l’air du temps » dit Alain Mabanckou, avec juste raison. TaNehisi Coates apporte, après James Baldwin, un témoignage et une grande contribution pour changer l’ « air du temps ». Lisez UNE COLERE NOIRE, Lettre à mon fils, c’est admirable.

Du vinaigre dans l'eau sucrée. Par Michel Sérac.



Nombre de ces élus étaient jeunes, n'avaient jamais siégé. Ivres de l'immense pouvoir d'un seul parti, celui du chef de l'état, ils exultaient, préparaient leur revanche sur l'odieuse démocratie, qui donnait aux classes inférieures des droits abusifs.
De la tourbe populaire, ils étaient protégés par une Constitution, faite exprès pour qu'une minorité politique dicte sa loi. Au diable les angoisses des esprits chagrins ! Ils s'attaquaient à des droits plantés dans les consciences par des soulèvements historiques ? Ils devaient leur succès improbable au seul rejet des précédents, à l'indifférence méprisante, au dégoût ?
Qu'importe : la Constitution éternelle les protégeait.
On les appelait les ultras.
Ils voulaient restaurer une monarchie toute puissante, balayer l'oeuvre de la révolution, c'était en 1815. Leur nom passa à l'histoire : la Chambre introuvable, tant était grand le divorce entre leur pouvoir et la volonté populaire. L'expression « plus royaliste que le roi » fut inventée pour désigner ces réactionnaires féroces.  

Tandis que les macronistes, ultras du patronat, nagent dans les médias comme dans une mer d'eau sucrée, goûtons le vinaigre versé par France Info : « Si la France 
était une commune de 100 habitants, moins de 11 auraient voté pour En Marche ». Eh oui ! Pour ce bonaparte d'occasion surgi d'un régime pourrissant et qui déclare la guerre au peuple travailleur, 82 % n'ont pas voté et 89 % dédaignent ses aspirants à une Chambre introuvable de restauration patronale.
Celle de 1815 dura 9 mois et fut suivie de trois révolutions. Quand le peuple ne va plus aux urnes…