Appâtés par l’argent et l’audience facile, les sites et
journaux sont en partie responsables de l’ascension de Trump. Il faut désormais
repenser leur rôle, estime Matthew Jordan, professeur américain spécialiste
des médias à l’Université d’Etat de Pensylvanie. Les grandes chaînes
d’information câblées ont engrangé des profits records de 2,5 milliards de
dollars pendant cette saison électorale. David Folkenflik, de la radio publique
NPR, a récemment rapporté que CNN avait gagné environ 100 millions de
dollars de plus que prévu pendant ce cycle électoral. Pourquoi ?
Depuis toujours, les médias ne demandaient qu’à couvrir la
vie trépidante de ce séducteur et magnat des affaires au parcours mouvementé,
qui a passé plusieurs années à perfectionner son personnage de provocateur, à
se vanter de ses conquêtes sexuelles et à insulter des personnalités publiques
dans le Howard Stern Show. Trump a compris, en pratiquant ces médias, l’un des
principes fondamentaux des organisations médiatiques à but lucratif : on
peut dire n’importe quoi, même et surtout des mensonges, à condition de ne pas
être ennuyeux. Le problème n’est pas seulement que ces articles ont
focalisé l’attention sur Trump, en donnant de la visibilité à ses sujets et à
sa façon de les présenter. Il est aussi prouvé que le simple fait de tenter
d’expliquer ou de dénoncer un mensonge peut le renforcer. Des études sur la
propagation des mythes antivaccins ont révélé que chaque fois qu’une figure
télégénique répète un mensonge – même dans un segment ayant pour but de le
corriger –, le public se familiarise avec celui-ci. Et paradoxalement, parce
que les gens ont tendance à assimiler familiarité et vérité, plus un mensonge
est dénoncé comme tel, plus il devient difficile de le distinguer de la vérité.
Importance du nombre
de clics par rapport à la vérité.
Les médias en ligne exacerbent ce problème, car leurs
modèles de revenus accordent plus d’importance au nombre de clics qu’à la
vérité. Dans l’univers du capitalisme numérique, l’attention a une valeur
monétaire. Or plus la déclaration est scandaleuse, plus elle génère
de clics. Trump sait que ses propos colorés et trompeurs sont retweetés
tant par ses amis que par ses ennemis et que des auteurs et des artistes s’en
moqueront, les condamneront ou les défendront avec ardeur. En fait on en
parlera et une majorité agissante se soumettra à ses propos.
Selon une étude publiée en 2009, la commercialisation des
médias entraîne un affaiblissement des connaissances politiques du public. Il
semble ainsi que l’ignorance nationale soit la rançon de l’expansion d’un
système médiatique fondé sur le profit.
A bientôt.