samedi 23 avril 2016

Hommage à Umberto Eco.



Umberto Eco, né en 1932 à Alexandrie dans le Piémont est mort le 19 février 2016 à Milan. Eco est un universitaire, érudit et écrivain italien. Reconnu pour ses nombreux essais universitaires sur la sémiotique, l’esthétique médiévale, la communication de masse, la linguistique et la philosophie, il est connu du grand public pour ses œuvres romanesques.
Titulaire de la chaire de sémiotique et directeur de l’École supérieure des sciences humaines à l’Université de Bologne, il en est professeur émérite depuis 2008.
Pionnier des recherches en sémiotique (La Structure absente, 1968, Trattato di semiotica generale, 1975), il développe une théorie de la réception (Lector in fabula (1959), Lector in fabula ou La Coopération interprétative dans les textes narratifs (1985)) qui le place parmi les penseurs européens les plus importants de la fin du XXe siècle.
Son premier roman, Le Nom de la rose (1980) connaît un succès mondial avec plusieurs millions d'exemplaires vendus et des traductions en quarante-trois langues, malgré un contenu dense et ardu. Umberto Eco met en application dans ce « policier médiéval » ses concepts sémiologiques et ses théories du langage, ceux-là mêmes qu'il enseigne à Turin. Ce fut un film à succés.
Dans Kant et l'ornithorynque (1999), il aborde la perception d’un point de vue généralisé mettant en rapport culture, appareil cognitif et appareil linguistique.
En 2014, dans un recueil de conférences, il parle de l’attrait de l’être humain à se Construire un ennemi.
Je vous cite la fin de la conférence :
« Il n'est pas nécessaire d'atteindre les délires de 1984 pour reconnaître en nous des êtres ayant besoin d'un   ennemi. On voit bien la force de la peur engendrée par les nouveaux flux migratoires. En élargissant à toute une ethnie les caractéristiques de certains de ses membres marginalisés, on est en train de construire aujourd'hui en Italie l'image de l'ennemi rom (aujourd’hui immigrant ou autre), bouc émissaire idéal pour une société qui, emportée dans un processus de transformation ethnique, n'arrive plus à se reconnaître.
La vision la plus pessimiste à ce propos est celle de Sartre dans Huis clos. D'un côté, nous ne pouvons nous reconnaître nous-mêmes qu'en présence d'un Autre, et c'est sur cela que reposent les règles de la cohabitation et de la mansuétude. Mais, plus volontiers, nous trouvons cet Autre insupportable parce qu'il n'est pas nous. En le réduisant à l'ennemi, nous nous construisons notre enfer sur terre. Quand Sartre enferme trois défunts, qui ne se connaissaient pas de leur vivant, dans une chambre d'hôtel, l'un d'eux comprend la terrible vérité :
Vous allez voir comme c'est bête. Bête comme chou ! Il n'y a pas de torture physique, n'est-ce pas ? Et cependant, nous sommes en enfer. Et personne ne doit venir. Personne. Nous resterons jusqu'au bout seuls ensemble. [... ] En somme, il y a quelqu'un qui manque ici : c'est le bourreau. [...] Eh bien, ils ont réalisé une économie de personnel. Voilà tout. [...] Le bourreau, c 'est chacun de, nous pour les deux autres. »
Ou dans Absolu et relatif, il dit :
« …à certains croyants de tirer de cette mort annoncée la fausse conséquence dostoïevskienne : si Dieu n'existe pas ou n'existe plus, alors tout est permis. Mais peut-être est-ce justement le non-croyant qui sait que, puisqu'il n'y a ni enfer ni paradis, alors il est indispensable de nous sauver sur terre en établissant bienveillance, compréhension et loi morale. »
Un homme a disparu. Ses écrits resteront.

A bientôt.