samedi 23 avril 2016

Hommage à Umberto Eco.



Umberto Eco, né en 1932 à Alexandrie dans le Piémont est mort le 19 février 2016 à Milan. Eco est un universitaire, érudit et écrivain italien. Reconnu pour ses nombreux essais universitaires sur la sémiotique, l’esthétique médiévale, la communication de masse, la linguistique et la philosophie, il est connu du grand public pour ses œuvres romanesques.
Titulaire de la chaire de sémiotique et directeur de l’École supérieure des sciences humaines à l’Université de Bologne, il en est professeur émérite depuis 2008.
Pionnier des recherches en sémiotique (La Structure absente, 1968, Trattato di semiotica generale, 1975), il développe une théorie de la réception (Lector in fabula (1959), Lector in fabula ou La Coopération interprétative dans les textes narratifs (1985)) qui le place parmi les penseurs européens les plus importants de la fin du XXe siècle.
Son premier roman, Le Nom de la rose (1980) connaît un succès mondial avec plusieurs millions d'exemplaires vendus et des traductions en quarante-trois langues, malgré un contenu dense et ardu. Umberto Eco met en application dans ce « policier médiéval » ses concepts sémiologiques et ses théories du langage, ceux-là mêmes qu'il enseigne à Turin. Ce fut un film à succés.
Dans Kant et l'ornithorynque (1999), il aborde la perception d’un point de vue généralisé mettant en rapport culture, appareil cognitif et appareil linguistique.
En 2014, dans un recueil de conférences, il parle de l’attrait de l’être humain à se Construire un ennemi.
Je vous cite la fin de la conférence :
« Il n'est pas nécessaire d'atteindre les délires de 1984 pour reconnaître en nous des êtres ayant besoin d'un   ennemi. On voit bien la force de la peur engendrée par les nouveaux flux migratoires. En élargissant à toute une ethnie les caractéristiques de certains de ses membres marginalisés, on est en train de construire aujourd'hui en Italie l'image de l'ennemi rom (aujourd’hui immigrant ou autre), bouc émissaire idéal pour une société qui, emportée dans un processus de transformation ethnique, n'arrive plus à se reconnaître.
La vision la plus pessimiste à ce propos est celle de Sartre dans Huis clos. D'un côté, nous ne pouvons nous reconnaître nous-mêmes qu'en présence d'un Autre, et c'est sur cela que reposent les règles de la cohabitation et de la mansuétude. Mais, plus volontiers, nous trouvons cet Autre insupportable parce qu'il n'est pas nous. En le réduisant à l'ennemi, nous nous construisons notre enfer sur terre. Quand Sartre enferme trois défunts, qui ne se connaissaient pas de leur vivant, dans une chambre d'hôtel, l'un d'eux comprend la terrible vérité :
Vous allez voir comme c'est bête. Bête comme chou ! Il n'y a pas de torture physique, n'est-ce pas ? Et cependant, nous sommes en enfer. Et personne ne doit venir. Personne. Nous resterons jusqu'au bout seuls ensemble. [... ] En somme, il y a quelqu'un qui manque ici : c'est le bourreau. [...] Eh bien, ils ont réalisé une économie de personnel. Voilà tout. [...] Le bourreau, c 'est chacun de, nous pour les deux autres. »
Ou dans Absolu et relatif, il dit :
« …à certains croyants de tirer de cette mort annoncée la fausse conséquence dostoïevskienne : si Dieu n'existe pas ou n'existe plus, alors tout est permis. Mais peut-être est-ce justement le non-croyant qui sait que, puisqu'il n'y a ni enfer ni paradis, alors il est indispensable de nous sauver sur terre en établissant bienveillance, compréhension et loi morale. »
Un homme a disparu. Ses écrits resteront.

A bientôt.

Code du travail.



« En France les réformes ne passent pas ». Ah bon ! Pourtant les acquis de nos aînés de 36 et 45 (durement acquis !) se dissolvent dans le bain de « l’adaptation à la modernité » chère à nos dirigeants et « experocrates » larbins aux ordres de l’UE libérale.
La dernière cible en date : le Code du Travail.

Vu d’Italie :
Pour Anna Maria Merlo Poli, correspondante du quotidien italien Il Manifesto, « la France fait comme les autres, elle arrive bonne dernière concernant cette réforme, que beaucoup de pays ont faite avant elle en Europe. Mais ça ne veut pas dire que c’est une bonne réforme... En Italie, des mesures analogues ont été adoptées l’année dernière : on a “détricoté” le droit du travail, “facilité” les licenciements et “assoupli ” les procédures, comme on dit. Les jeunes, par exemple, n’ont presque plus droit au CDI, mais doivent se contenter de contrats plus précaires. Un an après, le gouvernement parle de “réussite”, mais il y a beaucoup d’effets d’optique, et le chômage n’a pas vraiment baissé. Y a-t-il plus d’embauches si on supprime des droits ? Vu d’Italie, il est impossible de répondre à cette question par l’affirmative. » A la question : Pourtant, la France n’a-t-elle pas besoin de réformer son Code du travail ? Elle répond : « Bien sûr, il faut simplifier des procédures qui se sont empilées au fil des ans. Mais, quand on parle de “dépoussiérer” ou de “réformer”, c’est finalement toujours la même chose : à la fin, on a moins de droits. Le travail est devenu la seule variable d’ajustement de nos sociétés. » «  La France est dans une meilleure situation économique que les Italiens quand la réforme du droit du travail a été adoptée chez eux : le pays était alors épuisé par un chômage très important. La situation française est meilleure. » « Les relations entre employeurs et employés sont une épreuve de force permanente. Les salariés, les chômeurs et les jeunes qui dénoncent le projet de loi n’ont aucune raison de faire confiance aux chefs d’entreprise. Assouplir les conditions de licenciement pour faciliter de nouvelles embauches ? Vu le bilan de ces dix dernières années, ils n’en croient pas un mot et jugent cela totalement irréaliste. »

Vu d’Espagne :
Pour Gabriela Canas correspondante du quotidien espagnol El Pais:
« les Français doivent se mobiliser. Le gouvernement français a-t-il peur ? Je crois que oui, car la menace sociale est grande en ce moment. Les syndicats sont en position de force, à un peu plus d'un an de et l'élection présidentielle c'est le moment ou jamais de faire plier le gouvernement. Les Français ont raison de se mobiliser : ce n'est pas une réforme naturelle de la gauche, et elle est dangereuse. L’Espagne a adopté une loi analogue il y a quatre ans, qui a fait très mal aux Espagnols : aujourd'hui le chômage n'a pas baissé, contrairement à ce qu'on entend souvent. Il aurait même dû augmenter s'il n'y avait pas eu la légère reprise économique qu'on observe en Europe grâce à la chute des prix du pétrole. Par contre, il y a eu des licenciements massifs dans beaucoup d'entreprises, facilités par cette loi, et les salaires ont considérablement baissé… Mais il existe d'autres solutions que de simplement casser les droits des travailleurs. Il faut trouver une voie différente et regarder ailleurs pour voir les bonnes solutions qui ont été trouvées. Nous pensions que les Français en étaient capables. Pour les Espagnols, la France est un miroir, un exemple pour toute l'Europe, elle symbolise la résistance, la patrie des droits de l'homme et des droits des travailleurs. Or la réforme du droit du travail va à l'inverse de cela. Nous observons donc sa mise en place avec une certaine déception. »

Dans le monde politique comme dans les médias, « l’économiste expert », c’est-à-dire l’officiel, délivre sa sentence indiscutable basée sur une pseudo science (pseudo car tous les éléments ne sont pas matérialisables), mais qui fait autorité au détriment de l’action politique. Après Thatcher en Grande Bretagne, les « gauches » européennes se sont chargées du « boulot » pour la classe dominante : Schroeder (SPD) en Allemagne, Zapatero (PSOE) en Espagne, Renzi (Centre gauche) en Italie.
Voir aussi : http://levieuxguitou29.blogspot.fr/2015/12/23-millions-delecteurs-ne-sont-pas.html

A bientôt.

L'union européenne organise la concurrence des salaires et droits sociaux.




 "L'interdiction légale à un patron d'employer les ouvriers étrangers à un salaire inférieur à celui des ouvriers français » : c'est l'une des plus anciennes revendications ouvrières (programme du Parti ouvrier français, 1880). La classe patronale et financière, de son côté, cherche avidement cette concurrence entre salariés. Coup double : à l'exploitation bas coût, s'ajoutent les divisions, les hostilités, les violences, attisées par les partis réactionnaires. « Dehors les métèques ! », aboyaient, dans l'entre-deux-guerres, les ligues fascistes, contre les travailleurs immigrés venus d'Europe de l'Est. Les mêmes aujourd’hui, aboient à nouveau.
L'union européenne vient de promulguer cette inégalité, derrière l'accord destiné à empêcher le « Brexit ». L'Union européenne a « autorisé » Cameron et la bourgeoisie britannique à priver les travailleurs européens immigrés de prestations sociales (logement, allocations familiales, etc,) abaissant ainsi le salaire brut par discrimination xénophobe. Concession aux Britanniques dit-on. Mon œil ! « Ce dispositif  vaut pour tout le monde. L'Allemagne pourra l'appliquer et elle le fera » a dit Merkel, qui paie déjà au tarif et dans le pays d’origine, polonais, tchèques, etc… D’autres exemples existaient déjà, mais comme l’Allemagne avec des artifices de paiement. Cela leur facilitera la comptabilité.
Tandis que s'applique ainsi, contre la classe exploitée, la « concurrence libre et non faussée » de l'Union européenne, rejetée par 54,67 % du peuple français en 2005, on feint de s'étonner du « rejet des partis ». Plus finement un institut de sondage remarque que notre peuple « reste toujours passionné par la politique. Mais c'est le monde politique qui ne lui convient plus ». Ce qui pour nous, revient à dire que les travailleurs conscients doivent s'organiser en une force politique indépendante et nous devons l’y aider. Le POI y travaille(*). Ensuite seule la lutte permettra de gagner, les élections ne sont que des thermomètres du ras le bol, en tout cas dans l’UE d’aujourd’hui.

(*)PS : N’en déplaise à Médiapart qui avait début 2015 titré « crise finale au POI », ce n’est toujours pas le cas, et voyait dans les nouvelles forces issues des pensées intellectuello-critiques des Forums sociaux la véritable gauche révolutionnaire moderne. (les révolutionnaires en question, Syriza, Podemos, ou s’accommodent bien de l’UE actuelle, ou sont eux aussi en crise dislocatrice).


A bientôt.

Insultes, vociférations... des habitants du XVIe déchaînés contre un centre d'hébergement d'urgence.



"Escroc", "fils de pute", "menteur", "collabo", "stalinien", "vendu", "salopard", "salope", "caca" : c'est la liste, non exhaustive, des insultes et insanités proférées en moins de vingt-cinq minutes par les habitants du XVIe arrondissement de Paris mobilisés massivement pour assister à une réunion d'information lundi 14 mars, sur un projet de centre d'hébergement d'urgence dans le quartier.
Monique Pinçon-Charlot, habitante du quartier, sociologue, avait décidé d’assister à cette réunion, dans le cadre des études sur lesquelles elle travaille. Elle a eu du « pain sur la planche »… et déclarait le mercredi sur France Inter au journal de 13h:
« "Entre-soi géographique", "entre-soi social", "entre-soi idéologique"… La population du XVIe arrondissement peut être assimilée à une forme de classe sociale. Non seulement elle l’est objectivement mais en plus un vrai sentiment de classe existe et l'anime. Ce sentiment de classe se traduit notamment par un rejet de toute forme de mixité, celle-ci étant contraire à leurs intérêts. Cette singularité sociale est revendiquée et assumée parce qu'elle permet la transmission de ce patrimoine aux générations suivantes, et la démultiplication de la richesse de chacun (par le don et le contre-don). Voilà une population qui ne baisse jamais la garde et qui a une capacité de mobilisation impressionnante (lundi, ils étaient 800 à l’intérieur de l’amphithéâtre, et 300 à l’extérieur !). Elle cumule concentration des richesses et concentration des pouvoirs. En découle un extraordinaire sentiment d’impunité. Lundi soir, on ne trouvait trace dans les discours de ces habitants aucun sentiment de culpabilité et aucune trace de mauvaise conscience. »
Avez-vous entendu une « stigmatisation médiatique » de ce mouvement ? Si peu… Ah ! Si les « non éduqués » ou les « quartiers » avaient eu une telle réaction !...La meute aurait réagi avec vigueur. 

A bientôt.

France, terre d'asile...




C'est un enfant de huit ans. Il s'appelle lbrahim, il est comorien. Il y a quelques jours (fin mars 2016), il est arrivé seul à Paris, venant de Moroni par avion. Sa famille ayant explosé et certains disparus, il est envoyé en France chez sa tante. Au poste de contrôle de la police des frontières, il est refoulé. Il ne peut mettre un pied sur le sol français au risque d'être dans 1' « illégalité », car immigré à un moment inopportun. Il n'a que huit ans, mais on ne sait jamais, n’est-ce-pas ! Et durant dix jours, il sera cantonné dans la zone sous douane de l'aéroport de Roissy. Il ne sera pas placé dans un centre pour enfants, car il ne peut mettre un pied sur le territoire de la France ! Il sera resté dix jours dans cet espace hors zone sous contrôle de la police. Sur décision de justice, oui, oui, justice ! Il sera ensuite reconduit par les policiers à bord d'un avion pour être renvoyé aux Comores. L'enfant perdu, désespéré, qui n'a plus personne sur qui compter aux Comores, est en pleurs en montant à bord. Selon les règles, le pilote est seul maître à bord. Celui-ci décide de ne pas faire décoller l'avion tant que l'enfant sera à bord. Les policiers sont donc contraints de redescendre de l'avion avec l'enfant et de le reconduire dans la zone sous douane.
Il aurait pu y rester encore longtemps si des avocats et des associations ne s'étaient pas démenés pour obtenir enfin d'un juge l'autorisation pour l'enfant de pouvoir entrer sur le territoire de la France, terre d'asile ( ?...)  et d'être remis à sa tante, qui ne demandait que cela !
Il a huit ans. Il s'appelle lbrahim. Bienvenue en France, terre d'asile qui ne veut plus accueillir toute la misère du monde. Mais ça se sait et malgré tout ce qu’on leur donne (parait-il !) de gratuit, les immigrés ne souhaitent plus rester chez nous. Le Français n’a plus bonne presse ! Ce fait divers, faites le connaître, n’améliorera pas les choses, mais choquera j’en suis sûr beaucoup de français, car le rejet de la politique unique exprimé par l’abstention de près de 50% du corps électoral prouve que la France n’est pas encore totalement acquise aux idées xénophobes.
A bientôt.

PS : Les médias participent à banaliser ces idées, et même ceux qui pensent les combattre y participent, tel Alexandre Jardin, l'écrivain qui vient de lancer avec cinq mouvements citoyens la « Primaire des Français ». Présentant l’action sur Canal, il dit répondre à une attente des français puisque 50% s’abstiennent, et lutter contre un parti populiste soutenu par 30% des français. Non monsieur, les maths de primaire (à mon époque) ne donnent pas ce résultat. Jardin parle d'abstention 50% de l’ensemble des inscrits, mais et ensuite 30% des exprimés donc environ 15% de l’ensemble des inscrits. Rectification effectuée sur le propos, qui est approximatif quand même car le vote en voix exact (au premier tour) donne 10% des inscrits pour le fameux parti.


A bientôt.

La France était un Empire.



Il est toujours bon pour expliquer le présent de se référer au passé, à l’Histoire. Notre manière de penser est, le plus souvent inconsciemment, un produit de notre vécu, d’une vérité relative, dépendante de notre milieu et de notre localisation pendant ce vécu. Manuel Valls a expliqué dans un discours qu’expliquer, c’était commencer à excuser. Non monsieur, essayer d’expliquer est tenter de trouver des solutions. Ne pas le faire est se murer dans une vérité relative, c’est oublier que la Raison existe pour être exercée.

Ma mémoire m’a rappelé que mon père m’avait donné, très jeune, un petit opuscule géographique, avec beaucoup de cartes, ce qui me passionnait, sur les colonies françaises.

Ce petit livre écrit par Georges R. Manue, édité en 1940, s’intitulait « L’Empire français ». L’auteur est référencé à la BNF (Bibliothèque Nationale), à l'ISNI, à l’IdRef, au VIAF donc une référence de l’époque.

Il était à cette époque (pourtant après le Front Populaire) normal de nommer Empire, les pays colonisateurs et leurs conquêtes coloniales. La rhétorique suit les mouvements de l’idéologie dominante, mais si les mots utilisés changent au gré de la classe dominante, la pensée est longtemps marquée dans l’inconscient collectif des peuples vous diront les neuro-cogniticiens. Voyez 150 ans après la généralisation scientifique de la théorie de l’évolution, combien la récusent encore, ou la fourvoient dans des déformations indignes (Les pronazis par exemple et le fameux darwinisme social, qui n’a aucun lien avec Darwin).
 

Je vous livre ici la préface de l’auteur :

« L'Empire sauvera la France » répète-t-on depuis la défaite.
Mais qu'est-ce que l'Empire ? Plus que jamais nous avons besoin de définitions claires qui cernent leur objet.
Il n'y a pas une France et son Empire, ou bien un empire colonial de la France, comme on le dit souvent.

L'empire : c'est la communauté des intérêts spirituels et matériels de la France dans la Métropole dans ses provinces d'outre-mer, et dans tout lieu du monde où un Français travaille avec son esprit, sa manière de français, où un étranger parle la langue française et participe ainsi à notre culture.
On entend bien que ces vastes limites imparties à une France universelle sont de deux ordres. Il y a celles qui entourent des terres dûment possédées, pacifiées, bonifiées et celles qui, respectueuses des pavillons étrangers, n'intéressent que l'esprit. Ce petit livre veut s'attacher à montrer ce qu'est cette France d'Outre-Mer, née de la volonté patiente du vieux pays, ce qu'elle représente dans l'actif français, par la contribution qu'elle a apportée à l'économie nationale depuis cinquante ans, par l'avenir fécond qu'elle permet d'envisager, pour peu que nous le voulions.

Chaque nation d'occident, prenant pied sur une terre neuve, en a entrepris la bonification selon les lois de son tempérament. Avec des réussites inégales, quant à la durée tout au moins. Le succès du Portugal et celui de l'Espagne furent éclatants. On a pu critiquer certaines méthodes appliquées par les conquistadores qui ne craignaient guère la brutalité.
Mais la justification des colonisations ibériques, elle nous est sensible jusque dans le présent, Les métropoles ont pu perdre de leur puissance européenne passer du rang où elles primaient à un second plan. Mais les rejets plantés par elles en Asie, en Amérique centrale, en Amérique du Sud, sont d'une étonnante vigueur. Encore adolescents et pour différenciés qu'ils soient de la nation originelle, des pays comme les républiques sud- américaines témoignent pour l'Espagne et pour le Portugal.
A quoi est due cette persistance ? A ceci, que le Portugal, mais l'Espagne surtout, ont imposé aux naturels leur foi catholique et leur langue nationale. Non sans une sévère contrainte certes : la conquête a eu ses martyrs.
Mais l'arbre jugé à ses fruits, avec ce recul des siècles, comment ne pas admirer ?  

L'Angleterre s'est médiocrement souciée de l'âme des colonisés. Maîtresse dans la science de tirer d'une terre toutes ses ressources, elle a bien compris que son succès était lié à une collaboration des indigènes dans le travail. Considérant les noirs ou les jaunes comme les instruments de son œuvre, elle a donné tous ses soins à l'amélioration de leur condition matérielle. Il n'y a eu que rarement des famines ou des disettes dans les possessions anglaises. Gérant son empire en bon propriétaire - mais non en père de famille - l'Anglais n'a jamais hésité à faire l'effort financier nécessaire pour équiper ses colonies en voies de communications, en matériel de tous ordres. Elle a largement récolté parce qu'elle n'avait pas lésiné au moment des semailles.
Mais quelles seront, dans un avenir prochain, les conséquences de ce dédain, dans lequel la Grande-Bretagne a tenu la vie intérieure des indigènes ?  

La France, elle, a fait un empire d'abord par des réussites individuelles. Audace dans la conquête, magnanimité dans la pacification, débrouillage dans la mise en valeur.
On peut lui reprocher d'avoir souvent négligé l'aspect matériel des problèmes qu'elle avait à résoudre. Il faut se souvenir du peu d'intérêt que la Métropole, comblée, donnait aux colonies jusqu'au lendemain de l'autre guerre.
En revanche, chaque Français engagé dans une action de quelqu'ordre qu'elle fût, outre- mer, révélait une âme d'apôtre. Il faisait des Français avec ces noirs, ces blancs, ces jaunes qu'il commandait, enseignait, soignait.
Cette faculté d'imprégnation provoquait l'étonnement admiratif des étrangers. A l'épreuve, on a pu en mesurer l'efficacité. Les soldats d'outre-mer se sont tous battus en héros avec le sentiment de se battre en Français, et non pas pour les Français. Notion peut- être obscure chez la plupart, mais fort nette et cent fois vérifiée.
Dans le présent une fidélité générale à la France meurtrie s'exprime en mots naïfs ou ampoulés. On fait la part d'un certain conventionnel. Mais interrogez les Français qui sont en contact permanent avec l'indigènes en Asie et en Afrique, ils vous diront leur certitude d'un attachement dont ils ignoraient qu'il fût si profond, si délié de l'intérêt matériel.
Cela se traduit par des gestes tout simples un mot, une phrase qu'on peut résumer en ceci   : « Nous sommes avec vous parce que nous sommes français. » C'est là la part propre de la France, la part du coeur. On la retrouvera, égale à elle-même tout au long de ces mille ans d'histoire qui séparent notre temps de la création, au XIème siècle, d'une première France d'Outre-Mer : le royaume de Jérusalem, oeuvre des Croisés.
Georges R. Manue 1940



Photo : L'Empire triomphant

Quelques repères sur « L’Empire français ».

La France se lance dans la conquête de l'Afrique avec la campagne militaire d'Algérie (1830-1847) contre des troupes locales emmenées par Abdelkader. La législation de conquête mise en place en Algérie dès 1834, y est confirmée par la loi du 28 juin 1881. L’Algérie est un département français (en fait 3 départements). Puis elle colonise la majeure partie de l’Afrique occidentale et équatoriale, l'Indochine, ainsi que de nombreuses îles d'Océanie. Elle établit en Algérie un régime de l'indigénat qui est une législation d'exception et un ensemble de pratiques utilisées dans les territoires du second empire colonial français depuis le milieu du XIXe siècle jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Cet ensemble de pratiques est resté disparate, et si l'on parle fréquemment de Code de l'indigénat, il ne s'agit pas d'un texte unique. L'indigénat est aboli en 1946 mais certaines pratiques perdurent jusqu'aux indépendances. Des décrets en étendent peu à peu la pratique, sous des formes variées, à l'ensemble de l'empire colonial français à partir de 1881. Il s'agit d'une justice administrative qui s'applique aux seules personnes définies comme « indigènes ». Elle ne respecte pas les principes généraux du droit français, en particulier en autorisant des sanctions collectives, des déportations d'habitants et en sanctionnant des pratiques que la loi n'interdit pas, sans défense ni possibilité d'appel.

Le second espace colonial atteint son apogée après la Première Guerre mondiale, lorsque la France reçoit de la Société des Nations un mandat sur la Syrie et le Liban.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les territoires français d'Outre-mer sont un enjeu central : entre l'été 1940 et la mi-1943, la quasi-totalité bascule dans le camp des forces de résistance. Malgré des tentatives d'intégration plus grande des colonies dans la République (Union française en 1946), celles-ci restent dans un état de sujétion, et leurs élites et populations ne se satisfont plus de cet état de fait. La décolonisation de l'Afrique occidentale et de l'Asie diminue drastiquement l'étendue de l'outre-mer français entre 1954 (accords de Genève, fin de la guerre d’Indochine) et 1962 (accords d'Évian, fin de la guerre d’Algérie). Celui-ci se limite alors aux départements d'outre-mer, déjà intégrés à la République, aux colonies du Pacifique, et à quelques possessions résiduelles. Entre 1975 et 1980, trois colonies obtiennent l'indépendance, achevant la décolonisation de l'Afrique : les Comores sauf Mayotte, les Afars et Issas et les Nouvelles-Hébrides.
Les historiens, après les militants anticolonialistes en leur temps, soulignent l'incohérence existant entre l'affirmation des principes républicains par la France (« Liberté, Égalité, Fraternité ») et la pratique autoritaire de la colonisation, notamment par l'intermédiaire du Code de l'Indigénat et du travail forcé. La colonisation en Afrique a bâti des États dont les frontières ne correspondent pas au découpage ethnique, séparant certaines ethnies entre plusieurs États, ou rassemblant au contraire des ethnies rivales dans le même État.

Si la colonisation s’est faite par les armes, il en fut souvent de même pour la décolonisation, guerre appelée en Algérie « pacification ».
La France a attiré dans la métropole dans les années 50/60 une main d’œuvre issue des « départements » de l’Empire qu’elle souhaitait intégrer. Comme le dit Boris Cyrulnik psychiatre-cogniticien à propos de l’intégration « Dans un premier temps les migrants acceptent de se taire et de souffrir en secret pour être acceptés. Mais leurs enfants savent qu’ils ont des parents amputés d’une partie d’eux-mêmes et cela peut devenir une bombe à retardement ». Avec le temps il semble que, contrairement à ce que pensait Georges R. Manue, l'Angleterre « qui s'est médiocrement souciée de l'âme des colonisés » a mieux réussi la libération de ses colonies que la France qui s’est souciée plus de l’âme des indigènes, que (soi disant) de l'aspect matériel des problèmes. Les colonies ont bien rapporté à une époque à la France.



A bientôt.