Dans une étude sur l’évolution du pouvoir d’achat des
Français, réalisée pour le magazine 60 millions de consommateurs dans son
numéro 497 d’octobre 2014, on apprend que les Français auraient perdu en cinq ans
plus de 4 % de pouvoir d’achat soit 1 500 euros par an.
Cette dégradation du
pouvoir d’achat est due en particulier à la hausse considérable des
dépenses de loyer, chauffage, eau, gaz, électricité, carburants.
En 2013 déjà, l’Institut national de la statistique et des
études économiques (INSEE) constatait que la part des dépenses contraintes des
plus modestes stagnait : « Ils n’ont, non seulement plus de gains de
pouvoir d’achat à dépenser sur les postes qu’ils jugent les moins nécessaires,
mais une partie d’entre eux semble également se contraindre sur les dépenses
d’alimentation. » Ce que constate aussi le Secours Populaire.
Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté (60%
du niveau médian, soit 964 euros) a augmenté de près de 10% en 10 ans, atteignant
8,6 millions. Le niveau des impayés ne cesse d’augmenter dans cette population.
C’est le moment
choisi par les politiques pour attaquer les chômeurs et le peuple
« assisté » : « La
fraude sociale : ce sport national qui plombe notre économie » ;
« Fisc, Sécu, chômage : ce que les fraudeurs nous
coûtent » ; « Fraudeurs de la Sécu. Ceux qui ruinent la
France » ; « La France des assistés. Ces “allocs” qui
découragent le travail » … Manuel Valls a affirmé à la City que «
la France a fait le choix d’un chômage de masse très bien indemnisé ». Cette
affirmation est pour le moins surprenante quand on sait que plus de la moitié
(54,4 % très exactement) des 5 570 000 chômeurs officiellement recensés en
France ne reçoivent aucune indemnisation. Si l’on compare les dépenses
d’indemnisation du chômage rapportées à la part de la richesse nationale
consacrée à l’indemnisation de chaque chômeur dans les pays de l’UE, la France
n’arrive qu’en 9e position derrière, notamment, les Pays-Bas et l’Allemagne.
Les 2,27 millions de chômeurs indemnisés (auxquels s’ajoutent les bénéficiaires
de l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS) reçoivent 13 740 € par an,
soit une indemnité moyenne de 1 100 € net par mois.
Une « fuite » bienvenue a divulgué les conclusions d’un « rapport
d’étape » de Pôle emploi sur l’expérimentation des contrôles renforcés dans
quatre régions : 20 % des chômeurs ne chercheraient pas de travail activement.
Mais cette étude ne porte que sur 2 600 chômeurs de Manosque et de Toulon sans
que l’on sache le nombre total des demandeurs d’emploi dans ces deux villes pas
plus que les critères qui ont permis de sélectionner ceux qui ont été
contrôlés… C’est pourtant sur cette étude que tous vont s’appuyer pour
envisager la généralisation du renforcement des contrôles.
La meilleure façon de saper la légitimité d’un service,
aujourd’hui la protection sociale, c’est de laisser entendre qu’elle ressemble
à une passoire. Les tricheurs se glisseraient aisément entre les mailles d’un
filet trop lâche, et leur parasitisme finirait par transformer la solidarité
nationale en une menace pour le pays. Conclusion
: protéger la France impliquerait d’éradiquer la fraude, et éradiquer la
fraude, de supprimer les droits sociaux.
Je n’insinue pas que les filous bénéficiant de prestations
indues n’existent pas. Mais, de l’avis
même du Conseil d’Etat, « la fraude des pauvres est une pauvre
fraude ». Si les estimations peuvent être contestées, elles donnent un
ordre de grandeur, et une base de comparaison. Enregistré le 29 juin 2011,
le rapport Tian, du nom du député de l’UMP Dominique Tian, rapporteur de la
mission d’évaluation des comptes de la Sécurité sociale, évoque :
4 milliards d’euros de fraude aux prestations,
contre 16 milliards d’euros aux prélèvements des cotisations sociales
et 25 milliards d’euros d’impôts non perçus par le
Trésor — ces deux formes de truanderie
étant l’apanage des entreprises et des contribuables fortunés. Pire la
fraude aux cotisations sociales a explosé en 2012 dépassant les 20
milliards d'euros selon le rapport de la
Cour des comptes. Un montant qui a doublé en cinq ans et s'explique en
partie par l'émergence de nouvelles formes de fraudes « difficiles à
combattre » selon la juridiction financière. Elargie à l'assurance-chômage et
aux retraites complémentaires obligatoires, l'estimation grimpe dans une
fourchette entre 20,1 milliards et 24,9 milliards. En tête: les secteurs de la
construction et du commerce avec respectivement 3,8 milliards et 3,3 milliards
de cotisations «éludées». Mais l’amour porté aux entreprises et aux fortunés
par la Commission Européenne et ses larbins dirigeant les Etats ne permet pas
d’aborder ces pistes.
Le tapage autour des « abus » des soi-disant
« assistés » pourrait présenter un intérêt pour les partisans de
l’austérité. En faisant peser le soupçon sur les bénéficiaires légitimes, on
parvient à en dissuader un grand nombre de faire valoir leurs droits pour des
raisons certes différentes : honte de leur situation, manque de volonté,
méconnaissance de leurs droits, etc … Face à « l’armée des parasites »
s’en dresse ainsi une autre, plus massive encore : celle des personnes qui
n’accèdent pas aux prestations auxquelles elles ont droit. 5,7 milliards
d’euros de revenu de solidarité active (RSA), 700 millions d’euros de couverture-maladie
universelle complémentaire (CMU-C), 378 millions d’euros d’aide à
l’acquisition d’une complémentaire santé, etc…, ne sont pas versés à ceux qui
devraient les toucher. Et l’addition est loin d’être complète !…Evidemment
on fera moins de bruit sur ces économies collatérales !
Un scandale d’autant plus grand que ceux qui renoncent à
leurs droits les financent néanmoins. Un exemple : dix millions de ménages
démunis n’ont pas bénéficié des tarifs sociaux de l’énergie entre la date de
leur mise en œuvre — 2005 pour l’électricité, 2008 pour le gaz — et la fin
2011, ce qui représente 767 millions d’euros de manque à percevoir pour
eux; ils ont pourtant abondé à cette somme en payant au prix fort l’électricité
et le gaz... Cette situation n’est pas particulière à la France. On ne peut,
par conséquent, l’imputer à une générosité incontrôlée de notre système de
protection sociale. Une étude de 2004 de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) a estimé que le taux moyen de non-recours aux
aides ou aux programmes sociaux oscillait en Europe entre 20 et 40 % selon
les pays.
Ne parlons pas des paradis fiscaux chers à nos grandes et …
petites entreprises, j’en ai connu, et du profil des redevables de l’ISF qui
ont quitté la France en 2012. D’après un document de la Direction générale des
finances publiques (DGFiP), transmis dans le cadre de la commission d’enquête
parlementaire sur l’exil des forces vives, ce sont 587 redevables de l’ISF
qui ont quitté la France en 2012, soit 20% de plus qu’en 2011. Les données
relatives aux déclarations d’impôt sur le revenu montrent aussi une certaine
stabilité, autour de 35.000 départs en 2012 comme en 2011, tandis que les
déclarations d’«exit tax» – impôt qui frappe les plus-values latentes des
candidats au départ – sont passées de 169 à 300 en 2012.
Les données du fisc confirment toutefois une évidence : les
ménages assujettis à l’ISF qui quittent le territoire sont nettement plus
riches que les autres. En 2012, ils disposaient ainsi d’un patrimoine moyen de
6,6 millions d’euros. Une moyenne cachant des situations très diverses,
puisqu’environ la moitié d’entre eux (287) affichaient un patrimoine moyen de
12,5 millions d’euros, composé très majoritairement d’actifs mobiliers
(parts sociales, actions, liquidités…). Là aussi la situation n’est pas
particulière à la France.
Le constat est évident mais n’est pas repris par nos
« experôcrates » médiatiques : les riches fraudent plus que les
pauvres, en tout cas l’impact est incomparable. L’Europe s’est construite pour
protéger le capitalisme pourrissant, et les intérêts financiers, sur la base
souvent évoquée de la baisse du coût du
travail, en langage normal baisser les salaires. Baisser les « charges
des entreprises », en fait les cotisations sociales, c’est baisser les
salaires et baisser ou supprimer nos acquis sociaux, c’est notre santé, nos
retraites qui sont en jeux. Tout est
bon pour récupérer sur le peuple le
maximum de profit.
N’en déplaise aux « faiseurs d’opinion » !
Honte à nos gouvernants, prétendument
« socialistes » !
Piller, à la Hollande-Valls, les retraités, les salariés,
les malades, pour couvrir de milliards les plus riches possédants, tel serait
le fin mot du génie humain selon le capitalisme.
Le gouvernement Hollande-Valls sous les ordres de la
Commission Européenne, est un gouvernement de guerre contre la classe ouvrière.
Opposer un « non » sans compromis, ni accommodement, à ce gouvernement, à son
pacte et à ses contre-réformes : là est le point de départ de l’indépendance
politique du mouvement ouvrier et donc de la résistance qui ouvrira la voie à
l’indispensable rupture avec le carcan du FMI, de l’Union européenne, de la Ve
République, et de toutes les institutions de la classe capitaliste.
Sources : Les Echos, Le Monde, IO, INSEE, OCDE, DGFiP,
Cour des Comptes.
A bientôt.