Retour d’Espagne, où en es-t-on ? C’est toujours avec
du recul que nous avons la meilleure vue sur l’actualité.
ACTE 1
Mardi 14 janvier conférence de presse de François Hollande,
il annonce :
- Nouvelle loi de décentralisation contre la République. Au nom de la modernisation, on assistera à la fin de l’unité et de l’indivisibilité de la République, sa désintégration, la fin de l’égalité des droits et des services de l’Etat sur le territoire français : enseignement, santé, etc….
- Réduction des dépenses publiques. Hollande confirme 15 milliards d’euros de coupes en 2014, et « 50 milliards d’euros de plus entre 2015 et 2017 ». Il dit qu’il passera par « une redéfinition des missions de l’Etat », c’est-à-dire par un désengagement massif, but de la nouvelle loi de décentralisation, et précise qu’« en 2014, les régions auront de nouvelles responsabilités et seront dotées d’un pouvoir réglementaire local » leur permettant de déroger à la législation nationale. Des régions sont appelées à fusionner, les « départements devront redéfinir leur avenir », en prenant exemple, dit-il, sur celui du Rhône, qui a été amputé de moitié par la création de la nouvelle métropole lyonnaise. Concernant la Sécurité sociale, Hollande annonce qu’il voudrait « réduire la multiplication des prescriptions, des actes redondants »…
- Un pacte de responsabilité, dans le cadre de la « baisse du coût du travail », qui en termes élégants dissimule la baisse des salaires, et de la « simplification des normes » pour les entreprises qui voile la fin du Code du Travail.
Un plan de guerre contre les travailleurs, au nom de
« la crise », en fait dans le but de « rééquilibrer » les
profits des financiers puisqu’il s’avérerait impossible de « réguler la
Finance ».
ACTE 2
Paris, 10 février. La presse publie les « chantiers » du
gouvernement pour diminuer la dépense publique :
masse salariale de la fonction publique (gel de l’avancement
et du point d’indice, diminution des embauches dans l’Education nationale),
assurance maladie, les dépenses de solidarité (notamment le
RSA),
politique de l’emploi (en particulier l’Unedic),
collectivités territoriales (régions, départements,
communes)
et un « paquet » comprenant le logement, les transports,
etc.
Pour atteindre les 50 milliards d’euros de réduction de la dépense
publique (en plus des 30 milliards de pillage des allocations familiales), ce
plan frappe donc les fonctionnaires, les assurés sociaux, les travailleurs sans
ressources, les chômeurs et les services publics rendus par les collectivités
territoriales, bref : l’immense majorité du peuple !
Il s’agit bien d’un « rééquilibrage » au profit de
la classe exploiteuse.
Bruxelles, 10 février. Le commissaire européen aux Affaires
économiques et monétaires, Olli Rehn, lance un avertissement : le gouvernement
français doit « maintenant intensifier les réformes économiques » pour
respecter « ses engagements ». Il s’agit, en application du traité TSCG voté en
silence au début du quinquennat, de respecter un délai de deux ans pour ramener
son déficit en dessous de 3 %. Rappelez vous, par application du TSCG, les pays
doivent présenter leur budget à la Commission Européenne, qui l’accepte ou non,
avant de le voter.
Aussitôt le gouvernement Ayrault donne des gages : il ira
au-delà des 50 milliards de coupes prévus d’ici à 2017. « L’enveloppe devra être revue à la hausse » rajoute Les
Echos.
Et le patron des patrons, Pierre Gattaz, ce même jour a déclaré à
quelques journalistes tout le mal qu’il pensait du “pacte de responsabilité” de
François Hollande. Gattaz s’est lâché : « Quand j’entends parler de
contreparties dans ce pacte, j’entends aussi des gens qui me disent : “On va
vous contraindre, on va vous obliger, si vous n’y arrivez pas vous allez être
punis, on va vous mettre des pénalités”. Il faut arrêter ce discours
insupportable. On n’est pas dans une cour d’école. » Et de lancer : « Il n’y a
pas de contreparties. »
Toujours plus loin ! Le soldat Hollande doit franchir de
nouvelles lignes dans la guerre d’austérité où il s’est engagé.
Ce même 10 février, Jean-Marc Ayrault a eu cette phrase : «
La première contrepartie, c’est le dialogue social. » Autrement dit, le
gouvernement somme les organisations ouvrières de participer au démantèlement
de la Sécurité sociale et des droits ouvriers. En échange, il leur offre le «
dialogue social »… c’est-à-dire le droit de blablater pourvu que les mesures
anti-ouvrières soient légitimées !
ACTE 3
En mars les élections municipales sont désastreuses pour le
PS. Plus de 40 % de la population s’est abstenue, ou n’a pas exprimé de vote,
en grande partie dans les bureaux « laborieux ». Un rejet évident de
la politique suivie, l’austérité européenne que le candidat Hollande devait
pourfendre. Les électeurs savent que la solution à leurs difficultés et leurs
problèmes ne se trouve pas sur le terrain des élections. Claude Bartolone,
Président de l’Assemblée Nationale n’est pas surpris dans le Monde du 8
avril : « Ce qui ressort des élections municipales, c'est l'écart
entre les aspirations profondes des Français et les vingt-deux mois écoulés.
(...) La droite n'attire pas et, il n'y a pas un déferlement, en nombre de
voix, en faveur du Front national. Mais l'abstention massive est le signe que
s'ancre dans le pays l'idée que la politique ne peut plus rien changer. » La
droite n’ose pas parler de victoire, mais les médias trouvent un grand vainqueur :
le FN, qui ne réalise même pas le nombre de voix des dernières élections. Mais
évidemment les mathématiques offrent une présentation convaincante : on ne
donne jamais les résultats en voix, mais en pourcentage. Si je vous donne le
choix entre 50% d’une portion de Vache qui rit ou 20% de la boite de Vache qui
rit, (et que vous aimez ce fromage), prendrez vous la plus petite portion (50%)
ou la plus grosse (20%) ? Je sais vous allez me dire la démocratie c’est la
règle de la majorité ? Premièrement plus de 40% de non vote, c’est un
résultat considérable, puisque calculé sur l’ensemble des inscrits. Presqu’un
électeur sur deux n’a pas choisi dans l’éventail proposé. Et cela pose une
question évidente. Deuxièmement peut-on parler de démocratie quand on ne tient
jamais compte des votes négatifs : Traité européen en France, référendum
sur l’unification de la région Alsace, au Danemark, … Au PS même, certains ont
plus ou moins compris. Le maire sortant PS de Carcassonne, Jean-Claude Perez,
battu de 236 voix dit dans Le Monde du 2 avril : « Les électeurs ne
nous engueulaient pas du tout, ils sont passés autre chose (...). Je suis tombé sur des personnes âgées qui me disaient
ne pas manger de la viande toute les semaines parce qu'elles n'ont plus les
moyens, et on a une ministre qui trouve la bouffe de l'Elysée
« dégueulasse ». On ne vit plus dans le même monde ».
ACTE 4
Rapidement le Président a réagi : il a
« remanié » le gouvernement. Réponse saluée par les médias car c’est
le « changement dans la continuité ». Plus à droite ! Comme si
l’appartenance à l’Europe permettait une politique sociale de gauche !
Manuel Valls prend donc les rênes, avec un discours à faire pâlir d’envie ses
« compagnons socialistes ». Il reprend toutes les mesures de
l’ACTE 1 à la grande satisfaction des « experocrates », des médias et
des xénophobes que ses discours ont touché.
Près de cent députés du parti au pouvoir qui menacent de ne
pas voter la confiance au Premier ministre — même si c’est pour se rétracter
ensuite (11 d’entre eux se sont malgré tout abstenus) — et mettent en
cause le pacte de responsabilité ; un ancien premier secrétaire du Parti
socialiste, Henri Emmanuelli, qui déclare : « Le Parti socialiste est mort. »
Et oui : comme le SPD de Gerhard Schroeder qui a passé le fameux
« agenda 2000 » faisant plier la classe ouvrière allemande, et qui
n’émerge de son « suicide » que 10 ans plus tard comme supplétif dans
un gouvernement de droite, ou comme le PSOE espagnol de Zapatero qui végète
toujours malgré la « honte » de la gouvernance du PP, comme le PASOK
grec qui de grand parti est devenu une petite formation après avoir appliqué
les règles imposées par l’Europe.
Il n’en reste pas moins que, Manuel Valls, ce 8 avril, a
confirmé devant l’Assemblée nationale le programme de janvier et la violence du
pacte de responsabilité. Son refrain : « Soutenir les entreprises, dépasser les
divergences d’intérêts au profit de l’intérêt général. » Intérêt général ?
Traduction : 19 milliards d’euros de coupes dans les dépenses de l’Etat,
principalement par la destruction des services publics et le blocage des
salaires des fonctionnaires ; 10 milliards dans l’assurance maladie, 11
milliards dans les autres prestations sociales ; 10 milliards dans les budgets
des communes et des départements. Chacune de ces mesures frappe l’ouvrier,
l’employé, le jeune, le chômeur, le retraité. Le gouvernement est
« remanié » mais l’objectif fixé par l’Europe, donc à mettre en œuvre
n’a pas bougé depuis janvier.
Intérêt général ? Ces mesures engagent une véritable destruction
de la situation du peuple déjà lourdement frappé depuis des années par les
gouvernements successifs. Valls est pressé : lui et Hollande, dans quinze
jours, doivent présenter aux autorités de Bruxelles le détail de leur plan
anti-ouvrier. Comme en Grèce il faut mettre le peuple à genoux, pour leur dire
cette semaine « voyez nous sommes à nouveau concurrentiel, on nous prête
aujourd’hui à des taux normaux ». Ah ! Alors ça y est l’austérité est
terminée. Ah ! non, pour nous oui, pour vous il faudra patienter …
plusieurs années !
Un gouvernement de combat nous dit-on. Ok ! A la guerre
ainsi déclenchée, il n’y a qu’une réponse : la légitime défense. Et qu’on ne vienne pas
parler de négociations ou de « contreparties ». Aucun pacte n’est possible avec
ce gouvernement, aucune contrepartie ! Le soldat Hollande doit perdre la guerre
qu’il a déclarée contre le peuple. Pour cela, il n’y a qu’un moyen : l’unité et
l’indépendance des travailleurs et de leurs organisations dans la mobilisation
par millions pour balayer cette politique de réaction et de régression. Ainsi
s’ouvrira la voie de la rupture avec les diktats de Bruxelles et de Washington,
c’est-à-dire la rupture avec la classe capitaliste.
Epilogue temporaire.
Tout le paradoxe de la situation se concentre ici. D’un
côté, le rejet massif des 23 et 30 mars : le peuple exige que soit arrêtée la
marche à la dévastation dictée par le respect des traités européens. D’un
autre côté, tous les partis institutionnels, de l’extrême droite à l’extrême
gauche, viennent nous dire : il y a une solution dans le cadre de l’Union
européenne, il faut participer à l’élection du 25 mai pour introduire dans ces
institutions un peu de social, les infléchir dans le bon sens.
Comme le signale l’appel lancé par le Parti ouvrier
indépendant : « L’Union européenne, ses traités, la Banque centrale
européenne (BCE) ont été taillés sur mesure par le capital financier
international, les banques et les gestionnaires de fonds spéculatifs pour leurs
seuls intérêts. (…) L’Union européenne, c’est la dévastation de la Grèce, la
ruine du Portugal, la misère généralisée en Espagne. (…) L’Union européenne,
c’est, en France, le pacte de responsabilité de Hollande-Gattaz-Valls. (…)
C’est tromper les travailleurs, les jeunes, les retraités que de laisser croire
qu’il serait possible au Parlement européen d’infléchir la politique de l’Union
européenne et de la BCE ! ».
Le Parti ouvrier indépendant, membre de l’Entente internationale
des travailleurs et des peuples, inconditionnel partisan de la paix et de la
fraternité entre tous les peuples d’Europe, appelle toutes et tous à se grouper
autour de son appel pour exprimer leur exigence de rupture avec l’Union
européenne et de rejet du pacte de responsabilité. Et préparer ainsi les
combats à venir.
A bientôt.