Le samedi 21 septembre, Christine Renon, directrice de
l’école Méhul à Pantin, s’est suicidée, dans son école après avoir rédigé un
courrier à ses collègues directeurs. Dans ce courrier, elle pointait de manière
chirurgicale la dégradation continue des conditions de travail des enseignants.
Elle avait 58 ans. Les autorités académiques (inspection d’académie, rectorat)
ont donné consigne aux directeurs d’école d’empêcher la diffusion de ce
courrier dans les écoles. En vain.
La lettre, dans lequel tous les enseignants se retrouvent,
s’est propagée dans des centaines de salles des maîtres, de salles des
professeurs. Elle décrit de façon très explicite son épuisement professionnel.
Le 3 octobre comme Christine, ses collègues ont dit :
« Cela doit s’arrêter. Nous
devons en finir avec ces réformes successives qui détruisent les services
publics et l’Éducation nationale. Ce que nous redoutions avec la réforme
du lycée se confirme : problèmes d’emploi du temps, parfois des classes de
première générale surchargées (34 et 33 élèves), aucun calendrier national ou
rectoral des épreuves du contrôle continu, aucun manuel … Assez de voir nos
salaires amputés !… Assez des réformes successives qui affaiblissent notre
statut et nos droits collectifs : loi Dussopt de transformation de la fonction
publique (fin des CAP et des CHSCT), projet de réforme des retraites, jour de
carence en cas d’arrêt maladie… Assez de la violence institutionnelle au
quotidien quand il faut refuser des places aux collégiens, aux lycéens (…).
Assez de voir certains de nos élèves analphabètes ou non francophones arriver
en CAP car les classes d’accueil disparaissent. Assez de voir nos élèves
mineurs isolés, qui ont fui la guerre et la misère dans leur pays, se retrouver
seuls dans des hôtels sans soutien car l’État ne donne pas les moyens à l’Aide
sociale à l’enfance (ASE) de s’en occuper. Assez de la répression d’État. Que
ce soit contre la jeunesse, les Gilets jaunes, les syndicalistes et les
enseignants, le gouvernement ne connaît que la répression et la violence. Sous
prétexte du devoir de réserve, Blanquer voudrait nous empêcher toute
contestation. »
En effet la liberté
d'opinion des fonctionnaires est garantie par l'article Vl du statut. Mais au
nom du devoir de réserve, de la « confiance » (la fameuse
« école de la confiance »), Blanquer voudrait supprimer le droit aux
enseignants d'exprimer leur opinion, de participer à une manifestation, de
signer une pétition. Les enseignants sont fonctionnaires d'Etat, jusqu'à
maintenant ils ne sont pas tenus à un devoir de réserve comme peuvent l'être
des fonctionnaires d'autorité tels que des recteurs, des préfets qui, eux, sont
représentants de l'Etat et même, détenteurs d'une part d'autorité étatique sur
d'autres fonctionnaires. Les enseignants ne jurent ni fidélité au régime ni au
gouvernement en place. Je pensais que Vichy c'était fini ! C'est une véritable
censure que le gouvernement veut imposer. Les enseignants qui chercheraient à
dénigrer auprès du public par des propos mensongers ou diffamatoires
l'institution scolaire pourraient être sanctionnés ! (On a le cas d'une
enseignante convoquée par le Rectorat de Dijon pour avoir publié un article
satirique sur l'allocution de Macron en plein mouvement des Gilets Jaunes).
Dérive fasciste ! ABROGATION DE LA LOI BLANQUER ! Combien
de Christine Renon devront encore donner leur vie ? « Ça suffit ! Il faut que cela s’arrête ! »