dimanche 15 juin 2014

Les journaux racontent n’importe quoi !...



Ce n’est pas moi qui dis cela, c’est un site d’information espagnol spécialisé dans l’information scientifique. Lancé en juin 2012 par des journalistes du service Science du quotidien espagnol Público lorsque ce dernier a renoncé à sa version imprimée, “Matière” est un site spécialisé dans les sciences, l’environnement, la santé et la technologie. Issue de diverses rédactions comme celles d’El País, El Mundo, ABC ou de l’agence EFE, l’équipe compte une dizaine de personnes. Enquêtes, interviews et articles d’opinion constituent le cœur du projet, venu combler un vide dans la presse espagnole. Le site s’est récemment associé au prestigieux site anglophone Matter.
« En irait-il de l’information comme de l’alimentation ? Nous avons beau savoir que les bettes à la vapeur sont meilleures pour la santé que les hamburgers de McDonald’s, le macdo l’emporte souvent sur les légumes dans l’ordre de nos goûts. En matière d’information, bien souvent, le sujet le plus important perd la bataille de l’audience contre les ragots ou les anecdotes à connotation sexuelle – voire simplement contre quelques photos de chatons. » s’étonne Daniel Mediavilla sur ce site (13 mars2014). « La même tendance serait à l’œuvre derrière un phénomène observé par des chercheurs des National Institutes of Health (NIH, agences gouvernementales américaines en charge de la recherche médicale et biomédicale), dans un article publié par la revue spécialisée Plos One : dans leur traitement de la recherche médicale, les médias ont tendance à privilégier les études scientifiques les moins fiables. »

Un exemple :
« Pour observer ce qu’il se passe dans le processus de transmission de ces recherches depuis les revues spécialisées vers les médias grand public, les auteurs du rapport se sont d’abord penchés sur deux articles semblables et publiés au cours de la même période. Le premier faisait état d’une étude d’observation (où les chercheurs recueillent sans intervention des informations sur une population donnée pour répondre à une question précise et principale) qui établissait un lien entre la prise de statines, classe de médicaments utilisée dans la réduction du cholestérol, et la mortalité par cancer. Sur cette information, CBS News titrait “Les patients qui prennent des statines ont moins de risques de mourir d’un cancer”, tandis que le Los Angeles Times intitulait son article “Les statines susceptibles de réduire le risque de mort par cancer.” Pour les chercheurs, ces deux titres sont sujets à caution, dans la mesure où ils peuvent conduire le lecteur à tirer des conclusions excessives par rapport à la pertinence des résultats d’une étude d’observation. Ce type d’études peut en effet établir une corrélation entre deux phénomènes, comme la prise de statines et des probabilités moindres d’être atteint d’un cancer, mais pas un lien de cause à effet.

La manière de présenter des résultats, quand on ne fait aucun cas de la rigueur scientifique, induit (je dirais même sciemment) en erreur un lecteur non averti ou même distrait. On fabrique ainsi des « rumeurs ».
De la même façon, une étude d’observation pourrait distinguer un lien entre deux heures quotidiennes ou plus de télévision et l’augmentation des risques cardiovasculaires. Ce qui ne voudrait pas dire qu’on peut conclure, comme le font une majorité de médias, qu’il y ait dans le poste de télévision quelque mécanisme néfaste pour le cœur, mais une sédentarité excessive, liée, notamment, à un trop grand nombre d’heures passées devant la télé, peut effectivement causer des problèmes cardiovasculaires. La relation de cause à effet ne peut être établie que par un essai clinique comparatif randomisé, conçu afin d’éliminer les biais pouvant conduire à des conclusions erronées. (Il s’agit d’études expérimentales de références en recherche clinique où les participants sont répartis de façon aléatoire entre un groupe expérimental et un groupe témoin.)

Autre exemple :
« Une équipe conduite par Vinay Prasad, du service d’oncologie médicale des NIH, a comparé l’écho reçu par cette étude d’observation ayant décelé un lien entre prise de statines et risque de cancer avec ceux d’une autre étude, comparative et randomisée cette fois, qui constatait une baisse de la mortalité des femmes atteintes d’un certain type de cancer du sein quand elles reçoivent un traitement médicamenteux au T-DM1. Si ces dernières recherches ont elles aussi été médiatisées, elles n’ont fait l’objet que de 77 reprises par les médias, contre 311 pour celles sur les statines.
Pour évaluer la récurrence de ce type de traitement de l’information, les chercheurs se sont penchés sur 75 articles parus à propos de recherches médicales dans cinq grands journaux comme The New York Times et le Washington Post, qu’ils ont comparés à 75 travaux publiés dans cinq revues scientifiques prestigieuses. Ils ont découvert que les journaux accordaient une place plus limitée aux essais randomisés, cantonnés à 17 % dans la presse grand public contre 35 % dans les revues spécialisées. Les études d’observation, elles, représentaient à l’inverse 75 % des articles publiés dans les journaux généralistes, contre 47 % dans les revues scientifiques. »
Le NIH en conclue : « moins une recherche scientifique est fiable, plus elle a de chances d’être reprise par un grand quotidien. »

Il en va ainsi des médias. La recherche du « buzz » est plus importante que l’information.
Pour les dernières élections européennes on a entendu les mots de « séisme », « tsunami » à propos du score du Front National. En fait le tsunami c’est le score des non votants, mais les lunettes des médias sont dotées d’un réglage qui trompe leur acuité visuelle. D’abord je me répète, on compare en pourcentage, donc on ne peut tenir compte du résultat que si les bases de calculs sont comparables ce qui n’est pas le cas. La seule comparaison mathématique de base valide est le score en voix. Il y a 44,8 millions d’inscrits sur les listes électorales, 60% (abstentions, votes nuls et blancs) donc 27 millions d’électeurs n’ont pas manifesté un intérêt particulier pour ce scrutin. Pour différentes raisons peut-être mais justement c’est la voix de la majorité donc il faut en tenir compte. Le véritable « tsunami » est là ! C’est un rejet massif du gouvernement et de l’Union Européenne. Rejet profond et massif qui s’est exprimé dans toute l’Europe, 57%  (pourcentage explicite et comparable puisque basé sur l’ensemble des corps électoraux) des Européens se sont abstenus. Pour le « séisme », le FN est crédité de 4,7 millions de voix, que l’on peut comparer aux élections où tout le corps électoral est concerné (comme dans cette dernière élection) 6,4 millions de voix réalisées à l’élection présidentielle de 2012 par Marine Le Pen, ou aux 4,8 millions de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle de 2002. Les législatives de 2012 ne peuvent être prises comme comparatif car le parti ne se présentait pas dans toutes les circonscriptions mais déjà il avait 3,5 millions d’électeurs. La réalité c’est que les français persistent dans le vote négatif à Maatstricht, contre toutes les pressions.

La liberté de la presse ne s’use que si l’on s’en sert, écrivait le Canard Enchainé, il y a bien longtemps, mais l’indépendance de la presse est bien plus importante encore, et il y a aussi longtemps qu’elle a disparue du paysage officiel.

PS (pour éviter un erreur post scriptum) :
FranceTV info a collationné les résultats de cinquante villes battant les records du rejet de Hollande, entre 2012 et 2014. Lisons donc les « triomphes » du FN.
Roubaix passe de 30 % à 75 % d'abstentions; Hollande perd 11 000 de ses 12 900 voix. Le FN, ne perd que 2 000 de ses 4 800 voix c’est donc un … « triomphe » !
A Behren-lès-Forbach (Moselle), il ne reste que 17 % de votants le 25 mai dernier ! Dans ce mouchoir de poche, où Martin (CFDT-PS) ne glane que 104 voix sur les 1 488 de Hollande, Philippot du FN,  avec moins de la moitié des voix Le Pen 2012, « triomphe » à 40 %.
Record à Stains (SeineSaint-Denis) : perdant « seulement » 800 voix, contre 4 432 perdues par Hollande (ramoné à 293 voix !) le FN … « triomphe ».
Où sont-ils, ô savants analystes bourgeois, vos transferts de suffrages ouvriers au FN ? Il y a toujours eu une minorité d’ouvriers qui ont voté extrême droite, on peut toujours en faire des « triomphes »…

La classe exploitée a besoin de dirigeants et de combattants indépendants, pas d’une représentation politique rémunérée puisqu’ils font … un métier. Il faut en finir avec cette République et cette Europe. Pour une Assemblée Constituante et une Europe des peuples.

A bientôt.