samedi 28 décembre 2013

Education et instruction.



A l’occasion du Congrès de Conception au Chili de L’Association Internationale de la Libre Pensée début novembre 2013, une introduction portait sur la différence éducation-instruction, je vous la livre in-extenso.

 Au fil du temps, avec le développement de l'enseignement public, une distinction s'est faite nettement entre « éducation » et  « instruction ». L'instruction est devenue l'objet de l'école et de l'université en dispensant des savoirs, sanctionnés le plus souvent par des diplômes délivrés par l'Etat (les Eglises, le patronat, et le secteur marchand en étant exclus dans un Etat laïque). L’éducation est le rôle des familles et de la société.
Du fait de l'École républicaine et laïque, l'éducation n'a pas pris le même sens que dans d'autres pays où elle est confondue avec l'instruction. L'éducation est assimilée à une sorte de dressage qui fait obéir à l'autorité (aux parents, aux chefs, aux patrons). Elle permet aussi, il est vrai, aux personnes de se conduire de manière civilisée entre elles. La politesse, la courtoisie, la tolérance, les règles morales ne sont pas des savoirs, elles ne sont que des règles de comportement. L'éducation est indispensable pour toute vie en société.

C'est pourquoi la Libre Pensée française n'est nullement partisane de l'enseignement d'une morale à l'école, car cela relève des familles, c'est-à-dire de l'espace privé et non public, Pour les libres penseurs, il n'y a pas de morale laïque, car la morale ou les morales religieuses n'existent pas en tant qu’universelle.
Autre chose est ce que nous appelons en France l'instruction civique qui est la connaissance des lois, des institutions publiques et politiques de la société et de l'attitude que les élèves doivent avoir avec eux. C'est par l'enseignement de ces savoirs que l'on forme des citoyens conscients et responsables.

L'instruction a donc pour objet de construire l'individu en lui donnant les moyens de sa liberté et de son émancipation. L'instruction est libératrice par essence. C'est pourquoi la Libre Pensée est profondément attachée à l'Ecole publique et au développement de l'enseignement du rationalisme et des sciences.

L'éducation est du domaine privé. C'est donc aussi un terrain sur lequel les libres penseurs doivent agir pour développer les idées et les concepts d'émancipation intégrale en s'affrontant aux dogmes et conceptions religieuses. Des conceptions antagoniques de la vie se confrontent en conséquence dans le domaine de l'Education en fonction des engagements des citoyens et de leur famille.
Il y a une véritable éducation à faire à la liberté, à la conscience, à la pensée libre pour combattre une éducation visant à maintenir l'oppression sociale, politique, culturelle et économique. Mais ces " conceptions de vie " ne sont pas des savoirs, mais des opinions. La confrontation n'a donc pas à avoir lieu dans le domaine de l'instruction.
Il n'est pas neutre qu'en France, depuis des décennies, les gouvernements antilaïques qui se sont succédé ont remplacé les mots « Ministère de l'Instruction publique » par  «Ministère de l'Education nationale ». Il ne s'agit pas de la même chose.

La confusion des genres remet en cause profondément l'idée même de Séparation du « religieux » et du « public ».

 Pour les libres penseurs français, l'instruction libère, l'éducation peut opprimer.


A bientôt.

vendredi 27 décembre 2013

Espagne, crise, affaires, intégrisme catholique.



Début novembre notre migration vers le sud commence; nous traversons une contrée appelée Catalogne. Les panneaux de signalisation sont en catalan. De toute façon quand on entre en Espagne il faut être multilingue pour suivre la signalisation. Aux balcons sont accrochés des drapeaux jaunes et rouges, mais … à plusieurs bandes horizontales au lieu de trois, apparence extrêmement importante pour se différencier du rival espagnol, à qui l’on demande de reconnaître l’indépendance de l’autonomie catalane. Le 11 septembre pour la fête de la Catalogne, la Diada, une chaîne humaine s’est formée de la frontière nord à la frontière sud pour demander cette indépendance. Impressionnant !
L’indépendance aujourd’hui plus qu’hier, pourquoi ? Parce que la classe populaire en a assez de supporter seule le poids de la soi disant crise financière. Mais aujourd’hui les circonstances sont exceptionnelles car il s’agit d’un processus qui échappe aux institutions européennes. Cette Union Européenne qui a mis en place les processus (diviser pour régner) de régionalisation et de balkanisation des pays, est aujourd’hui, en Catalogne, dépassée par ses conséquences. A mettre de l’huile sur le feu parfois on se brûle. Les dirigeants au pouvoir sont allés très loin : « la Catalogne aux catalans » ! Et pourtant ceux-ci ont pratiqués plus de « recortes » que l’administration centrale de Madrid, ce qui n’est pas peu dire !... Ils savent aller loin dans tous les sens. Et la police catalane, les Mossos, entretient une mauvaise réputation suite à de nombreuses « bavures ».

Nous continuons vers Castellon, pour prendre l’autoroute gratuite qui dessert l’aéroport. Qui dessert, un bien grand mot, car l’aéroport tout neuf n’a jamais ouvert faute de passagers. La communitat Valenciana, aux mains du PP, et quand je dis aux mains je pourrais préciser aux mains sales vu les nombreuses « affaires » et inculpations, a investi pour un avenir différent. Investi, en tout cas a touché beaucoup de « commissions » occultes. La côte de Castellon est la région espagnole où l’on trouve le plus grand nombre d’appartements vides de toute l’Espagne, et là aussi ce n’est pas peu dire ! Mais ici les églises adventistes, pentecôtistes, du petit jésus de la Trinité, de la sainte du vendredi, etc… sont florissantes. Une bien bonne chose la religion, pour calmer les contestataires. Et bien sûr une nouvelle langue, le « patois valencian ». Patois, je vais être déclaré indésirable !

On arrive ensuite à la petite « Region de Murcia » et l’Andalousie, ici la signalisation reste en « castellan », et l’usage de l’espagnol est quasi général. L’Andalousie se distingue par le fait que la « junta a Andalucia » est la seule autonomie aux mains du PSOE en Espagne. Les « problèmes » ne sont pas absents pour autant : scandale des ERE, etc… Pour les espagnols les andalous sont déjà des « maures », un camping cariste catalan m’a dit un jour : « en passant ici en rentrant du Maroc, je croyais que j’y étais encore, les gens, le paysage ». Cette année la sécheresse est particulièrement importante. A la « frontière » murciane, à Aguilas, une visite à la galerie marchande de l’Eroski nous donne une idée du recul de l’activité espagnole : de 30% des magasins fermés, nous en sommes à 80%. Désolant.

La lecture de la presse, en particulier El Pais, nous donne une idée de l’actualité.
Les scandales sont nombreux qui touchent la famille royale (caso Urdangarin, le gendre du roi, l’Infante, …), le PP au pouvoir (les cas sont si nombreux que je ne vous citerais que Bardenas le trésorier du PP), et le PSOE.
L’Opus Dei, intégristes catho dont la réputation n’est plus à faire, ancien bras droit et même tête pensante de Franco, a été viré de la « commandantur » au Vatican par le nouveau pape, son leader en Espagne le Cardinal Rouco mis à la retraite par le même François. Ce  pape François chargé de remettre « un peu d’ordre ou de morale selon les canons religieux » dans la Curie et notamment dans la banque du Vatican, qualifiée par la commission Européenne de « techniquement criminelle ». Cet Opus Dei reste très puissant au gouvernement espagnol par l’intermédiaire, en particulier, du Ministre de l’Intérieur, prêtre laïc de l’Opus. L’Espagne va donc rétablir l’interdiction de l’IVG, loi promulguée par le gouvernement Zapatero, et d’autres lois réactionnaires dictées par les « intégristes catho ».

Pedro Solbes, ancien ministre des Finances de Zapatero, ancien commissaire européen, s’impose aussi dans l’actualité avec un livre dans lequel il défend sa démission du gouvernement Zapatero en invoquant l’incompatibilité de ses options économiques avec celles de son chef. Intéressant. Il dit lui avoir demandé d’imposer la politique d’austérité recommandée par la Commission Européenne, et celui-ci a refusé parce qu’il avait discuté avec l’économiste américain Krugman, prix Nobel, qui critique cette option. Solbes a démissionné, et prétend maintenant que l’Espagne aurait gagné 2 ans. Deux ans de gagné pour qui ? On s’en doute. Ce n’est qu’une opinion, et ça dépend dans l’intérêt de qui on se place. On voit, lui, quels intérêts il défend ! On constate aujourd’hui les résultats de « l’austérité » : le supplément « Negocios » du 24.11.2013 d’El Pais indique que l’enquête annuelle du Crédit Suisse donne en Espagne un nombre de millionnaires de 13% supérieur par rapport à l’année dernière et un doublement du nombre de personnes en « extrême pauvreté ». Pour la Troika ce sont des chiffres « rassurants » mais il faut encore des restrictions sur les pensions de retraite.
En 2011 Zapatero a reçu par lettre (Il n’est pas le seul à en parler) un ultimatum de la Commission et le 7 septembre 2011 il fait voter « la règle d’or » (en France TSCG) qui rend obligatoire l’examen du budget du pays par cette Commission Européenne. La souveraineté des Etats devient un leurre. L’austérité est la règle sans discussion. Le budget, ressource de l’Etat, outil de sa souveraineté, de tous les pays de l’UE passe de « recommandation » à « obligation ». (Nous avons cette fin d’année en France le premier budget passé par Bruxelles, contre l’avis du peuple qui a refusé le traité l’instituant). A l’époque un avocat espagnol Isaac Ibanez décide d’écrire à Bruxelles pour demander la publication de la lettre. Réponse : « la lettre est maximo secreto ». Puisque cette époque revient à la mode, on l’a interviewé sur la suite qu’il a donnée à cette interpellation. Il a ensuite contacté le Défenseur des peuples européens, les réponses furent les mêmes. Sa remarque : « une Commission non élue qui dirige en fait l’Europe a des secrets pour les peuples, où est la démocratie ? ». Concluez vous-mêmes.
Puisque nous parlons de Krugman, signalons qu’il tient une rubrique sur le supplément dominical « Negocios » du journal El Pais. Il développe une défense du capitalisme en totale contradiction avec les politiques d’austérité imposées par les financiers et les économistes à la mode. Dans un article intitulé : « La guerre contre les pauvres », il tance les dirigeants républicains américains qui disent « que si tu es pauvre c’est que d’une certaine façon tu es un incompétent ou un vagabond », « le gouvernement Obama aide les perdants », « la protection sociale est un hamac dans lequel se vautre des gens sains, mais qui vivent de la dépendance et de la complaisance », « les marchés ont raison, donc les gens qui finissent dans la pauvreté méritent d’être pauvres », en leur répondant « qu’ils ont un esprit d’adolescents libertaires fantaisistes ». En fait « la base  républicaine (et surtout Tea Party) sont conscients que leur condition de blancs est chaque jour plus minoritaire ». Consciemment ou inconsciemment le racisme prend le dessus sur la raison. Dans « Complot contre la France », il dit « que pour les défenseurs de l’austérité, la  France a commis l’impardonnable péché d’avoir une fiscalité responsable et une sécurité sociale qui ne faisait pas souffrir les pauvres et pour cela elle doit être châtiée ». Dans « Ces allemands déprimants », il accuse les allemands « de chercher à démolir ses partenaires, et de ne pas cotiser suffisamment pour construire une Europe viable ». Ainsi on comprend mieux le « différend » entre Solbes et Zapatero.

A Marinaleda, le village andalou de « l’utopie communiste » (pas celle de Staline), mauvaise nouvelle : Sanchez Gordillo, le maire, et quelques autres dirigeants sont passibles de prison pour « occupation illégale d’une finca publique ». Vu le durcissement des peines imposé par la nouvelle loi dite de Sécurité votée par le gouvernement Rajoy ils sont pratiquement certains de finir en prison.

Le revirement sécuritaire et « moralisateur » catholique intégriste fait de l’Espagne un des pays européens les plus rétrogrades. Le XXIème siècle ne démarre pas sous les auspices prévus par les experocrates médiatiques aussi rapides à tourner leur veste qu’à avoir un avis autorisé. Ne nous flattons pas, nous avons eu notre « manif pour tous » avec des curés hurleurs à leur tête qui ne dépareraient à l’Opus Dei.

Un seul point satisfaisant, l’Espagne est le pays « modèle » pour l’Europe d’intégration des « gens du voyage », pour prendre une dénomination générale, pourtant avec une population de ce type très nombreuse. Certes tout n’est pas rose, mais l’exemple est probant d’intégration et de vie commune. J’en parlerais sans doute prochainement.

Partout la politique européenne fait payer aux travailleurs par les restrictions budgétaires et la baisse du coût du travail la crise du système, mais même s’ils ne sont plus que des exécutants, les gouvernements sont directement responsables puisque ce sont les seuls élus.

A bientôt.


Centenaire de la guerre de 14-18.



Monsieur le Président de la République,


Vous en avez le pouvoir,


Vous devez réparer une injustice vieille de cent ans :



Réhabilitez collectivement les Fusillés pour l’exemple !



Voilà près de dix ans maintenant que des organisations comme la Libre Pensée, l’Association Républicaine des Anciens Combattants, l’Union pacifiste, le Mouvement de la Paix, et de nombreuses sections départementales de la Ligue des droits de l’Homme, se prononcent ensemble pour une réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple.
Elle gagne, maintenant, certaines organisations syndicale –CGT et FORCE OUVRIERE- qui rappellent le sacrifice des ouvriers et travailleurs durant la dite guerre.

Il s’agit de rendre la dignité aux fusillés pour l’exemple, 2500 ayant fait l’objet de condamnations à mort par des tribunaux d’exception, où les dossiers furent exclusivement à charge puisqu’il s’agissait de faire des exemples. 650 furent exécutés et encore, en ne tenant pas compte des exécutions sommaires, sous des prétextes les plus fallacieux, voire des assassinats effectués sur le champ, après tirage au sort, des victimes.
Le dossier a fait l’objet de nombreuses publications voire de films et de chansons. L’opinion publique est régulièrement sensibilisée.
Situation dramatique, des soldats français ont été tués par des balles françaises !
De quoi ébranler tous les patriotismes du monde.
Cette notion de patriotisme, que les pays utilisent pour faire marcher la troupe; « on croit se battre pour sa patrie et on meurt pour les industriels », disait Anatole France.

En qualité de Président de la République, nous espérions que celui-ci se souvienne de ses engagements d’élu départemental lors de la présentation des travaux pour le centième anniversaire de la guerre. Nous espérions dans sa fidélité à Jean Jaurès. Or, celui-ci a pris l’engagement d’instaurer un monument particulier à la mémoire des fusillés. Faudra-t-il que sur ce monument on indique : mort pour la France.
En dehors du fait qu’il s’agit d’une singularisation, cela ne répond pas à la revendication de réhabilitation qui est la seule qui permette de placer les victimes comme des victimes de la guerre, car tel est l’objectif : condamner la guerre pour ce qu’elle a comme données barbares, dire que les hommes sont incapables de prévoir leur comportement dans des conditions autoritaires et barbares, que nous n’avons pas tous vocation à être des héros.
 
Je rappelle que de nombreux pays belligérants, l’Angleterre, la Nouvelle Zélande, le Canada, ont, dans des formes juridiques applicables à leur pays, décidé de cette réhabilitation.
La France s’encroûte dans la Mesquinerie. En effet, le bon sens conduit à conclure qu’il faut réhabiliter la totalité des Fusillés pour l’exemple, sans prise en compte de cas particuliers, inaccessibles à une investigation scientifique digne de ce nom.
Nombre d’historiens ont une parfaite conscience de ces difficultés insurmontables qui rendent l’étude au cas par cas impossible, définitivement hors de portée. Beaucoup de ces historiens ont accompli un travail remarquable, qui a enrichi de façon décisive notre connaissance de la Grande Guerre, loin des clichés hérités du passé qui perduraient dans une certaine opinion soucieuse d’un patriotisme de circonstance, comme elles perduraient dans beaucoup de travaux universitaires, et du même coup dans les manuels scolaires.
« Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. »

Lors de la cérémonie du 11 novembre 2013 plus d’une centaine de rassemblements et d’initiatives dans tout le pays, dans tous les départements ont vu se rassembler  libres penseurs, pacifistes internationalistes, syndicalistes, militants de toutes tendances, un nombre considérable d’Elus municipaux, Maires, Conseillers généraux, Conseillers régionaux, Députés, Sénateurs.
Une volonté s’est exprimée. Et il y a eu une condamnation nette des propos honteux du Président de la République qui a refusé, dans la continuité de tous ses prédécesseurs, de rendre la justice et leur honneur aux 650 Fusillés pour l’exemple.
Celui-ci a mis ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy en appliquant méticuleusement la loi Laffineur qui mélange toutes les guerres, celle de 1914-1918 et celles coloniales d’Indochine et d’Algérie.
L’année du Centenaire commence il est encore temps pour le camarade Hollande de prouver sa fidélité à Jaurès.
Signez et faites signer cet appel avec des historiens, des cinéastes, des réalisateurs, des comédiens, des artistes, des écrivains, des libres penseurs, des syndicalistes, des pacifistes et des internationalistes qui, par delà leurs engagements respectifs, par delà les investissements personnels, culturels, philosophiques, politiques, qui leur sont propres, se retrouvent ensemble sur cette exigence, dont la satisfaction sera à l’honneur de la République.


A bientôt