lundi 26 janvier 2015

L'histoire de George Stinney



George Stinney avait 14 ans ce 16 juin 1944 quand les gardiens sont venus le chercher à l'aube dans sa cellule pour le conduire dans le couloir de la mort vers la chaise électrique.
Sa petite taille les obligea à mettre un annuaire sur cette chaise. Le masque noir mis sur son visage avant l'exécution étant trop grand pour lui, il tomba, si bien que lors des premières décharges électriques, les cris et le visage de l'enfant qui se tordait de douleur resteront gravés à jamais dans la mémoire des témoins.
Un tribunal l'avait condamné, le 24 avril de cette même année, à la peine de mort pour le meurtre de deux adolescentes blanches (en Caroline du Sud la majorité pénale était de 14 ans).
George était noir.
George, enfant noir, était le coupable idéal. Il était le dernier à avoir parlé aux deux adolescentes, qui lui avaient demandé un renseignement. A l'annonce de leur disparition, il était allé voir la police pour lui signaler ce fait. La police en avait conclu qu'il était le meurtrier. Le procès dura à peine trois heures. Il suffira de dix minutes au jury, composé de douze hommes blancs, pour le déclarer coupable. Son avocat, un Blanc, ne fit pas son métier, ne convoquant quasiment pas de témoins, n'engageant pas de recherches. Et quand l'enfant fut condamné à mort il ne fit pas appel de la décision, ce qui aurait permis de suspendre l'exécution et de contester les « preuves » avancées.
Le 17 décembre 2014, soixante-dix ans après de longues procédures, un juge vient de casser ce jugement. Il a démontré, sur la base d'une étude minutieuse du dossier, que la police avait fabriqué l'accusation, extorqué des aveux, que le procès n'avait été qu'un simulacre, et que rien, rien ne permettait un quelconque soupçon sur sa responsabilité. Soixante-dix ans après, le procès est donc cassé. Mais un enfant de 14 ans a été exécuté.
George n'avait qu'un tort, comme beaucoup d'autres après lui, y compris en 2014, celui d'être un Noir aux Etats Unis.
    
    

2015

2015.
Encore une nouvelle année qui commence.
Sous quels auspices !
Quelques chiffres parlent d’eux-mêmes :

Cent trente millions.
C’est le chiffre record de couverts annoncé par les Restos du cœur pour cette nouvelle campagne durant quelques mois, à ceux qui en ont besoin.
Coluche, en septembre 1985, il y a près de trente ans, lance, sur les ondes d'Europe 1, l'idée "d'une cantine qui aurait l'ambition de distribuer deux à trois mille couverts par hiver ". Il fait cette proposition face à la pauvreté qui se développe. En effet, depuis le tournant de la rigueur en 1982-1983, le gouvernement PS-PC-Radicaux, sous la présidence de Mitterrand, a décidé le gel des salaires dans la fonction publique, les coupes dans les budgets sociaux, les restructurations dans l'industrie, la création de stages et petits boulots pour les jeunes, le forfait hospitalier, etc… Il ne s’agit pas de crise mais de « réformes » pour adapter l’Europe à la « compétitivité » nous dit-on. Pour les besoins du système capitaliste financier.
Le résultat est là : le chômage augmente, la précarité se répand, notamment chez les jeunes. Aux clochards traditionnels se substituent les SDF. Tous les gouvernements successifs, de droite et de gauche, ont poursuivi ces contre-réformes.
En 1986-1987, les Restos du cœur distribuent 11,5 millions de repas ; en 1988-1989, 25 millions ; en 1991-1992, 29 millions ; en 1993-1994, 36 millions ; en 1995-1996, 50 millions ; en 1998-1999, 60 millions ; en 2012-2013, 130 millions !
La politique d'austérité et de contre-réformes des gouvernements successifs, dictées par l’Union européenne au service des capitalistes et des banquiers, aboutit à ce que des organisations capitalistes comme les Restos du coeur, financés par les dons des citoyens de ce pays, avec des dizaines de milliers de bénévoles qui tiennent les antennes des Restos, jouent un rôle social majeur, se substituant à l'Etat, dans le même temps où les différents gouvernements ont remis en cause nombre de services de l'Etat ou de services publics qui jouaient ce rôle. La charité chrétienne remplace la solidarité républicaine honteusement répudiée par les différents gouvernements et l’UE.
Quel succès, et jusqu’où ?

Un milliard trois cents millions,
c'est le coût en euros de vingt années de recherche de centaines de scientifiques européens et de dix ans de voyage de la sonde Rosetta et du robot Philae qui est descendu sur la comète « Tchouri ». Un milliard trois cents millions pour une fantastique aventure scientifique et humaine.
Un milliard deux cents millions,
c'est le coût final en euros pour la construction du nouvel immeuble de la Banque centrale européenne (BCE).
En effet, celle-ci était « à l'étroit » dans ses locaux et avait décidé de faire construire un nouveau bâtiment dont le devis était de 800 millions d'euros, et dont la facture finale est de 1,2 milliard. Quand le secteur public ne respectait pas les devis c’était un scandale, le secteur privé lui peut arriver à quadrupler le coût, c’est une légère imperfection.
La BCE est cet organisme de l'Union européenne qui participe de l'offensive pour la réduction des déficits publics, pour le maintien de la rigueur et de l'austérité contre les peuples et les travailleurs.
Et dans cette situation, une bande de bureaucrates surpayés décide de s'offrir le luxe d'un nouveau bâtiment. Mais qui paye ce 1,2 milliard ? Cet argent est pris dans les contributions que les Etats versent à l'Union européenne. Ces contributions sont puisées dans les budgets des Etats financés par les impôts des populations des pays de l'Union européenne. Le président de la BCE a gagné près de 400 000 euros l'an dernier, soit le double de ce que gagne le président de la Réserve fédérale américaine.
Un milliard trois cents millions : pour vingt ans de recherche scientifique, pour l’avenir, pour la civilisation humaine.
Un milliard deux cents millions pour la destruction de l’avenir et de la civilisation humaine !

Six milliards et demi,
Les prélèvements sur les entreprises vont diminuer de 6,5 milliards d’euros en 2015. Ces mesures s’ajoutent au Cice, qui doit monter en puissance l’an prochain. 41 milliards d’euros sur quatre ans, offerts aux patrons.
Objectif: diminuer le coût du travail, en français « d’en bas » baisser les salaires, pour relancer l’emploi. Effet du pacte de responsabilité : à partir du 1er janvier 2015, les patrons qui paient leurs salariés au smic sont exonérés de toute cotisation de Sécurité sociale, le taux de cotisations familiales est abaissé de 5,25 % à 3,45 % pour les patrons dont les salariés sont payés en dessous de 1,6 Smic. Encore une fois : baisse des bas salaires, et amputation des budgets dont celui de la santé, pour le profit des entreprises ! On va vous faire pleurer ensuite sur le montant des fraudes détectées sur la SS qui ont crû de 12 %, à 174 millions et on oubliera encore que l’une des fraudes à la TVA, appelée « carrousel de TVA », résultante du traité de Maatstricht, coûte chaque année plusieurs milliards d'euros aux finances publiques. La France peine encore à lutter contre ces circuits de fraude, qui se sont criminalisés, tout comme dans les autres pays européens, mais mieux vaut taper sur les peuples fraudeurs que sur les entreprises fraudeuses !

Le désastre social et politique auquel conduit l’orientation d’un gouvernement entièrement subordonné à l’UE et à la classe capitaliste et ses financiers ne peut plus être masqué. Valls dans le journal espagnol El Mundo, qui publie une interview du Premier ministre français, avertit les Français que les sacrifices pour redresser le pays devront continuer pendant des années. « Je ne veux pas dire aux Français que d'ici deux à trois ans nous en aurons fini avec les sacrifices », déclare le Premier ministre né à Barcelone au journal conservateur qui le présente comme « l'Espagnol qui veut changer la France ». Répéter le leitmotiv de la Troïka, « les peuples doivent payer », une nouvelle spécialité « socialiste ».

La marche à la barbarie s’accélère. L’exemple de la Grèce est significatif.
« Si le FMI comme l'Union européenne n'ont cessé de reprocher aux gouvernements grecs successifs n'avoir pu aller jusqu'au bout de la mise en oeuvre des mesures destructrices, il n'empêche que les coups portés aux travailleurs, aux jeunes, aux retraités sont gigantesques.
Pour n’en citer  que quelques-uns : le taux de chômage y est passé de 7,5 % en 2009, à 28 % en 2014 (officiellement 49,8 % chez les moins de 25 ans, et en réalité beaucoup plus). Amputés par différentes mesures issues des mémorandums, les salaires ont diminué de 22 % en trois ans… lorsqu'il sont versés, puisque le mémorandum du « socialiste » Papandréou, en 2011, aboutissait à verser 60 % seulement de leur salaire à 30 000 fonctionnaires, sommés de trouver un nouvel emploi avant d'être congédiés de leur poste. Des entreprises publiques ont été privatisées et bradées par dizaines, comme le port industriel du Pirée à la Chine, ou purement liquidées, comme la chaîne de radio-télévision publique ERT. Dans l’Education nationale, explique un syndicaliste de I'ELME (branche régionale du syndicat des enseignants du secondaire, OLME) d'Argolide : « Quand la situation en arrive à un point où il nous arrive de voir des élèves faire des malaises parce qu’ils ont faim, cela pourrait paraître dérisoire d'ajouter que les mémorandums ont supprimé des centaines de postes d’enseignants, les manuels scolaires, des laboratoires et des équipements sportifs. Nous n'avons pas assez de fioul l'hiver pour chauffer les classes. »
Pendant ce temps, par exemple, les armateurs grecs qui n’ont jamais payés d’impôts en Grèce s’enrichissent toujours. Au Portugal on meurt cet hiver de la grippe faute de pouvoir consulter assez rapidement. Des directeurs d’hôpitaux démissionnent car le taux de mortalité dans leurs établissement augmente. Et l’on entend Merkel, assassin en liberté, inflexible.
Les 1 % les plus riches posséderont bientôt la moitié de la richesse mondiale.
Aider au rassemblement des forces qui refusent au gouvernement la collaboration du mouvement ouvrier dans un parti indépendant : c'est l'urgence du moment.

A bientôt.

mercredi 21 janvier 2015

LE CYCLISTE DESEQUILIBRE



Le forcené de Nantes avait frappé, dégommant le petit peuple du marché de Noël. C’était à peine quelques jours après le drame de Dijon où un autre chauffeur fou avait envoyé treize passants à l’hôpital.
Il ruminait ces nouvelles moroses tout en caressant dans le sens du poil sa misanthropie. L’être humain se portait décidemment bien mal. La fête jetait papillotes et guirlandes sur tous les maux de la planète.
Et lui, il roulait ce jour-là sur sa piste cyclable journalière, en routinier des transports doux, longeant la plateforme du tramway et ses voitures qui lui prenaient de l’avance avant qu’il ne les rejoigne à la prochaine station.
C’est à la station Vaulx-en-Velin La Soie que ça s’est passé : un attroupement s’était provisoirement constitué à la descente des voyageurs, avant que ceux-ci ne s’éparpillassent. Tous se ressaisissaient de leurs sacs, choisissaient les directions nouvelles de ce matin grisâtre, en butant sur les talons d’une personne plus âgée ou plus lente. Une force s’est emparée de lui, le poussant à accélérer le pédalage, monter en danseuse sur ses pédales, faire danser ses sacoches à l’unisson et à foncer dans la foule en criant violemment « Allah Akbar ». Son dix vitesses fendait l’air humide à l’approche de ce carnage programmé, et il était trop tard pour actionner les deux notes de sa sonnette quand ses hurlements atteignirent les oreilles de la gent. A son grand étonnement, celle-ci ne parut pas terrorisée et se rangea sans précipitation en deux paquets opposés, jetant à son encontre un regard blasé et somme-toute peu hostile ; des adolescents prirent même son assaut pour une plaisanterie. L’absence de choc lui fit perdre l’équilibre et chuter au milieu de l’assemblée, sans avoir brusqué quiconque.
Seule la vidéo-surveillance du quai s’émut de cette action.
Aujourd’hui, la police hésite encore entre l’acte d’un terroriste et celui d’un déséquilibré.
E.H.
Ecrit le 1 janvier 2015