mercredi 12 août 2015

Raphael CORREA



Premiers pas dans Quito. Rumeur grandissante à l’approche du centre-ville : cela fait déjà plusieurs jours que le peuple bat le pavé. Depuis son accession au pouvoir en 2007, Raphaël Correa jouit pourtant dans la rue d’une solide popularité. Il a fallu que le prix du baril de pétrole descende très bas (–50%) -un coup des ricains?- pour que l’Etat n’ait plus grand-chose à redistribuer.
 
 

Pourtant, dès les premiers mois de son accession au pouvoir, le gouvernement a doté le pays d’un réseau routier tout neuf, et massivement investi dans l’éducation et la santé, avec des résultats probants et visibles : dispensaires gratuits, écoles gratuites (yc matériel scolaire et transport des enfants dans les campagnes). Comme au Venezuela, les médecins cubains sont venus à la rescousse, si sollicités dans les états progressistes qu’ils perdent ici une partie de leur légendaire suprématie. Des petits vieux dans les villes font la queue sur les trottoirs pour percevoir leur revenu minimum, placides et plutôt en bonne forme. On mange à peu prés à sa faim dans les campagnes équatoriennes et jusque dans les villes moyennes. 

 
Il est possible de pénétrer en Equateur sans visa. Des colonies d’Américains trustent quelques pans de territoires en haussant les prix quand l’autochtone fait de même de ses épaules. Les cubains incarnent l’immigration pauvre, massive et mal-acceptée. Car, étonnamment, cette population majoritairement métisse pratique le racisme avec une certaine ferveur. Mais jamais tant que la religion catholique. Le passage du pape en juillet 2015 a en effet déchainé dans toute l’Amérique du Sud une passion qui supplante tout, même le football ; des pèlerins des pays voisins ont fait le voyage, d’autres ont parcouru des centaines de kilomètres à pieds… Et, ma foi, c’est plus difficile de se moquer de l’évènement avec cet homme surprenant, dont on peut se demander, à la mesure de ses prises de position inédites à la tête du clergé, comment il échappe à la dague ou au calice mortels de quelques services secrets. Parallèlement, comme partout dans le monde, l’Eglise Evangéliste tisse sa toile et gagne du terrain, avec le même marketing que les Frères Musulmans là-bas ou le FN ici.

Le pétrole a été nationalisé et malgré ce: concédé pour partie aux chinois, ce qui fait tousser certains. A côté: une production insolente de bananes, de crevettes (dont l’équatorien voit à peine l’emballage d’exportation), un cacao haut de gamme et le tourisme qui prend lentement essor (la variété du pays possède tout ce qu’il faut pour plaire !). Peu de capacité de transformation des matières premières et une balance commerciale très déficitaire, contre laquelle Correa vient d’imposer récemment l’obligation pour les restaurateurs industriels d’utiliser exclusivement les produits nationaux. Les produits d’importation de biens non-essentiels sont fortement taxés, donnant l’illusion à l’étranger riche que la vie est chère en Equateur. La fuite des capitaux vers la Colombie et le Pérou, états libéraux, se poursuit à bon rythme…

A Guayaquil, la ville économique de l’Equateur qui renferme ses laissés-pour-compte, un programme de reconquête sociale redonne vie à des bidonvilles : l’Etat fournit gratuitement aux habitants les matériaux et l’enseignement pour construire leurs maisons et traiter l’assainissement, redonnant dignité à des gens qui se détournent de la drogue.

Dans une prise de conscience un peu tardive, le gouvernement tente de préserver son plus bel atout patrimonial : la nature. Le plus gros prédateur, le pétrole, a déjà partiellement ravagé le sud-amazonien, et avant lui : les chercheurs d’or. 

Plusieurs villes côtières et la célèbre Vallée des Centenaires aimantent des populations de baba-cools –pour la plupart des étrangers, et souvent gringos- qui expérimentent le mélange de l’ennui avec des substances hallucinogènes.

Et donc, la population de Quito, la ville qui fait / défait les politiques (*) et héberge l’armée, gronde en ces jours contre Correa.

Comment en est-on arrivé là ?
Dans l’exercice plus délicat de son second mandat, le leader a sans nul doute été atteint de chavisme. Il a tout d’abord achevé de dresser un appareil d’état tentaculaire, en disproportion avec le niveau de vie du pays. Il occupe aussi tout l’espace médiatique, depuis ses rencontres avec la population abondamment diffusées par la télévision, jusqu’à certains panneaux de propagande qui balisent les bords de routes. Et puis, il y a eu cette tentative, fustigée par Lula, de modifier la constitution pour pouvoir se représenter à vie, signe de faiblesse de ceux qui imaginent leur force irremplaçable.

Mais ce qui a réellement mis la rue en ébullition, c’est le projet de loi d’impôt sur la succession. Les petites gens, qui n’ont pas lu Rousseau, y ont vu, au même titre que la classe dominante, atteinte à leurs intérêts…

La guerre civile a probablement été évitée grâce aux propos modérateurs du pontife François !

                                                                                                                           E.H.
(*) Correa est originaire de Guayaquil